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Luxe

Stéphane Parmentier :
«Christofle, c’est plus d’éclat dans la vie»

By juillet 4, 2016juillet 4th, 2024No Comments

En 2000, Stéphane Parmentier a troqué sa blouse de styliste pour celle d’architecte d’intérieur. Depuis, il a parcouru du chemin. Nommé directeur artistique de Christofle en 2013, il nous parle de son parcours, et de ses projets pour l’orfèvre français.

 

Comment passe-t-on de la mode à l’architecture d’intérieur ?
J’ai en effet été assistant de Karl Lagerfeld pendant huit ans, puis directeur studio chez Lanvin. J’ai eu ma propre ligne en même temps que je travaillais chez Montana. Quand j’étais chez Givenchy, j’étais directeur de projet pour la création des first class et business de Singapour Airlines. J’ai une passion absolue pour l’aviation et j’ai adoré ce projet. Alors en 2001, je suis allé vers ce que je rêvais de faire. J’ai suivi une formation d’architecte d’intérieur, puis j’ai travaillé trois ans avec India Mahdavi. J’ai commencé tout seul, tout petit et j’ai eu des clients merveilleux dès le départ. L’agence a très vite grandi, puis j’ai eu beaucoup de projets : concept store Hermès, siège social d’Orange, boutiques Hermès, mobiliers, luminaires, objets…J’ai conçu une ligne de mobilier en porcelaine (très difficile au niveau technique), j’ai pris la direction artistique du Printemps de la maison, puis de Christofle. Je collabore aussi avec Lou Fagotin, entreprise belge spécialisée dans la fabrication de mobilier en rondins de châtaignier.

Comment parvenez-vous à tout faire ?
Je travaille énormément, je voyage beaucoup, trop même. On a des chantiers jusqu’à l’île Maurice. Mon agence est petite, nous sommes huit. En même temps, je fais ça avec énormément de plaisir. J’orchestre un peu tout ça, je mets beaucoup d’exigence et de passion à transmettre. La notion de partage est très importante. J’aime l’idée de planter des graines pour que les gens fassent pousser des arbres.

C’est quoi le luxe pour vous ?
C’est un état d’esprit. ça se travaille.

Vous avez accepté la direction artistique de Christofle il y a deux ans. Comment cela s’est-il fait ?
J’ai déjeuné avec Thierry Oriez, le PDG, et il s’est produit un coup de foudre humain, une sorte d’alchimie. Il m’a proposé de réfléchir sur la marque. J’ai présenté un énorme dossier avec une cinquantaine de pièces. Je me suis plongé dans les archives. J’ai voulu être un peu irrévérencieux ; je n’ai par exemple dessiné aucun couvert. Christofle a retenu Nest, un objet qui en fonction de sa taille a des fonctions différentes. J’aime que les objets ne soient pas cantonnés à une fonction. L’éclectisme et la souplesse sont des mots qui traduisent la modernité pour moi. Christofle quand j’en parle m’évoque que des choses contradictoires. Nest est plein de contradictions. Dans cet objet, on trouve le calme et la tempête, le masculin et le féminin, la rondeur et la rigueur. Ensuite ils m’ont demandé de faire une ligne montrant la marque de manière plus «lifestyle». J’ai créé la campagne «Silver Moments» shootée dans le monde entier. Le but était de montrer que Christofle est vivant dans des univers complètement différents. La marque représente l’éclectisme de par l’usage et la manière dont les personnes s’accaparent le produit et l’utilisent de façon aléatoire et personnelle. Je pense qu’il est possible de dresser une table contemporaine avec les couverts Malmaison qui datent de 1836. J’essaye de démontrer chez Christofle que l’on peut rendre un produit plus versatile. Ensuite, ils m’ont demandé de faire la boutique de New York et ensuite j’ai pris le poste de directeur artistique.

Vous poursuivez vos autres activités ?
J’ai gardé ma liberté. Je veux pouvoir continuer à être une éponge. Je ne veux pas m’enfermer. J’ai acheté ma liberté il y a une quinzaine d’années. Ca coûte très cher, mais ça donne des ailes et une force extraordinaire qui me porte et qui m’aide à savoir dire non, à être un bon poil à gratter, à transmettre mon enthousiasme, à trouver l’énergie pour aider mes clients à aller plus loin. Le travail de directeur artistique est très brutal, car on dit souvent non et on demande toujours plus.

Que représente Chistofle pour vous et qu’avez-vous envie d’y faire ?
C’est plus d’éclat dans la vie. L’argent est un métal très compliqué à gérer, monochrome. Christofle représente avant tout des sentiments : le partage, la générosité, une joie de vivre, la transmission. C’est une des rares marques présentes du tout début de votre vie à la fin à travers les timbales, la liste de mariage, mais aussi les anniversaires,… J’aimerais que Christofle s’intègre plus au quotidien. Le télescopage et le métissage, c’est l’avenir. Christofle est faite pour être métissée. C’est une marque traditionnelle et contemporaine, masculine et féminine, généreuse et retenue. Ce sont de petites architectures délicates qui reflètent l’époque. C’est une marque qui me fascine. Ses produits peuvent être plus que du luxe, du plaisir au quotidien. J’ai envie de sortir Christofle de son côté formel et trop poussiéreux. Nous sommes en train de développer les bi-matières : noyer/argent, ébène/argent, onyx/argent, cuir/argent, porcelaine/argent…On veut décloisonner pour rendre les objets plus sexy, plus dans l’époque et rendre certains produits plus accessibles.

Poursuivez-vous les collaborations avec des designers internationaux ?
Oui et non. On recentre. Il y a eu trop de collaborations où la marque était surtout un faire-valoir pour le designer. On préfère un développement plus en profondeur. On a envie de collaborer avec des artistes.

Parlez-nous du nouveau concept de boutiques ?
La marque manquait de codes. Lorsqu’on étudie la ponctuation merveilleuse que sont les poinçons, plus de 50% d’entre eux sont formés d’un hexagone avec des abeilles à l’intérieur (car la marque est née sous le Second Empire). On découvre beaucoup de choses dans ces petits poinçons. J’ai voulu extraire l’hexagone déjà utilisé par Gio Ponti pour un plateau quand il était directeur artistique de la marque. On a repris les contradictions de l’orfèvre. Pour le côté masculin, on a adopté l’ébène utilisé dans les années 30 quand Christofle était flamboyant, équipait les paquebots, était présent dans les expositions universelles. On l’a mélangé à de la tôle perforée laquée. Pour le côté féminin, l’hexagone permet une miniscénographie. A New York, je voulais exprimer la France. La symétrie est quelque chose de très français. La boutique est divisée en deux. Avec le jeu des miroirs au plafond et la mise en abîme de l’argent, on parvient à créer une sorte de petite poésie graphique.