Sebastian Herkner, on l’apprécie pour ses collections raffinées et intemporelles chez de grands éditeurs comme Moroso, Fritz Hansen, ClassiCon ou encore Pedrali. Designer allemand renommé, il explore les matières au fil de ses envies et noue des collaborations inspirantes avec de jeunes marques dynamiques. Élu designer de l’année 2019 à Maison & Objet, il fait partie des figures montantes d’une génération de designers soucieux de leur empreinte environnementale et de leur rôle dans la transmission des savoir-faire.
Quelle était votre première ambition en intégrant le secteur du design?
La créativité est ma façon de communiquer. D’aussi loin que je me souvienne, j’étais fasciné par l’art, la mode et l’architecture. Je n’envisage aucune frontière dans l’expression du design.
Quels ont été les moments marquants de votre carrière?
Dirigeant mon propre studio de design depuis plus de 13 ans, il y a eu de nombreux moments significatifs. C’est comme des montagnes russes avec des hauts et des bas et cela a toujours été un défi. Mais ma passion et ma curiosité me poussent à utiliser ma créativité pour communiquer à travers le design. Sans hésitation, les conceptions clés de mon travail sont la table Bell pour ClassiCon, la lampe Oda pour Pulpo, la collection Mbrace pour Dedon et récemment la chaise Let pour Fritz Hansen. Mes projets sont assez variés car mon objectif est toujours de concevoir quelque chose de spécifique pour une marque. Je veille toujours à bien comprendre leurs collections avant de proposer ma propre contribution et mon point de vue.
Comment définiriez-vous votre style? Pouvons-nous dire que vous avez une approche engagée?
Quand j’ai commencé ma carrière, j’étais fasciné par l’artisanat. Même en vacances, j’adore visiter des ateliers pour rencontrer des artisans et comprendre des techniques spécifiques. Le design est pour moi l’équilibre entre l’artisanat et l’innovation technologique, la couleur et la matière, l’histoire et la projection future. J’ai à cœur d’avoir un mode de pensée très durable. J’ai conscience de ma responsabilité, ce qui implique que je sois particulièrement attentif au choix des moyens et des lieux de production ainsi que de l’approvisionnement en matériaux de mes créations. C’est aussi pour cela que je tiens à me rendre personnellement chez les producteurs et les fournisseurs avec qui je travaille. D’une part, cela participe à souligner mon respect pour l’ensemble de la chaine de production et d’autre part, cela m’aide à mieux comprendre l’ensemble du développement d’un produit.
Selon vous, le design doit-il suivre les tendances?
Cela ne m’intéresse pas vraiment de coller aux tendances. Elles sont saisonnières donc vouées à changer. Je souhaite que mes créations soient de véritables compagnons pour la vie, voire même se transmettent de génération en génération.
Quelle place joue le savoir-faire artisanal dans votre création?
Il y a une certaine qualité et beauté dans les objets artisanaux. Si on prend par exemple, la base en verre de la table Bell, il peut y avoir une petite bulle d’air à l’intérieur, qui n’est pas un défaut mais plutôt le signe d’un travail manuel. Je pense que ce sont de petites choses que nous devons apprécier dans notre monde numérique. Je peux également citer les chaises Mbrace, qui sont tissées à la main à Cebu. Mêmes si elles semblent se ressembler en tout point, il n’y a pas de robot impliqué dans la production. Des artisans consacrent environ 3 jours à la fabrication d’une seule coque de siège.
Quels sont vos matériaux préférés? Pourquoi?
Pour moi, le verre est magique ! Il découle d’un simple sable que les maîtres artisans font fondre jusqu’à ce qu’il devienne aussi liquide que le miel. Ensuite, très patiemment, ils le façonnent, le colorent et le coupent. Il y a tant de moyens de le rendre vraiment spécial et unique. Je demeure admiratif de l’importance de ce matériau dans l’architecture, dans l’industrie, l’énergie solaire ou la communication ou encore le secteur médical. Le verre est véritablement un matériau omniprésent qui a radicalement marqué l’humanité.
Quelle est votre relation avec la couleur?
La couleur donne une personnalité et un caractère à un produit ou à un espace. Les gens pensent souvent qu’il est facile à choisir et à utiliser. Mais cela représente beaucoup de travail de combiner les couleurs dans des compositions étonnantes. Le design est selon moi une expérience de tous les sens. C’est une question de couleurs, d’odeurs, de sensations comme lorsqu’on apprécie les couleurs vives du Jardin Majorelle ou des échoppes souks mais aussi qu’on en hume les odeurs du bois, de la laine, etc.
Vous avez collaboré avec de nombreuses marques. Comment choisissez-vous vos collaborations?
C’est une vraie question de feeling. J’ai besoin de me sentir à l’aise avec la marque, l’équipe et les matériaux. Le design demande beaucoup de travail, cela prend des années, il faut donc se faire confiance et se respecter pour obtenir un produit réussi. J’apprécie de travailler avec des marques très établies comme Moroso, ClassiCon, Fritz Hansen mais aussi avec des marques plus jeunes et émergentes comme Pulpo, un jeune éditeur allemand ou Ames, une marque colombienne.
Quels sont vos objectifs pour 2021?
Nous sommes déjà assez occupés sur des projets de 2021 à 2023. J’adore avoir du temps, même si je ne me considère pas vraiment comme patient. J’apprécie beaucoup la variété de nos projets, qui vont des meubles à l’éclairage en passant par la conception intérieure ou celle de divers produits tels que des carreaux techniques ou des lunettes de soleil.
Quelle est votre définition du luxe?
En fait, je n’aime pas le sens du luxe. Je préfère le mot premium. Premium est synonyme de qualité, de fonctionnalité et de conception juste. Le luxe est plus une question de représentation et de prestige, à l’image d’Audi ou de Rolls Royce.