Diplômé de l’école d’architecture de Casablanca, Reda El Jadidi, sensible aux préoccupations environnementales a complété sa formation par une certification en développement durable. Attaché à insuffler une vision globale à ses projections, il s’est également formé au design. Après avoir travaillé dans une agence d’architecture de renom, et avoir collaboré à plusieurs maîtrises d’ouvrage dans plusieurs projets d’envergure à Casablanca, il crée en janvier 2020 sa propre agence, Mao Architecture.
Par : Mélanie Wilms – Photos : DR
«Notre approche est purement minimaliste, considérant ainsi que tout élément conçu doit avoir une raison d’être, sans surplus, sans artifice.»
Comment qualifiez-vous la vision de votre agence ?
Avec mon équipe, notre objectif est d’associer architecture et intérieur. Nous considérons qu’un projet architectural doit être en phase avec son intérieur et que les deux ne peuvent être dissociés. De plus, notre approche est purement minimaliste, considérant ainsi que tout élément conçu doit avoir une raison d’être, sans surplus, sans artifices. Pour un client, il est parfois difficile de considérer la complexité de cette démarche.
Quelles sont vos principales sources d’inspiration ?
Je m’inspire principalement du mouvement minimaliste, mais également de mouvements architecturaux qui prônent l’aspect contextuel, l’intérêt pour le site, la mémoire du lieu, le climat…
Qu’en est-il de la place de la durabilité dans votre travail ?
À mon sens, la réflexion autour du développement durable doit être intégrée dans chaque projet. En tant qu’enseignant, je suis soucieux de sensibiliser mes étudiants au fait que la durabilité n’est pas une composante optionnelle, mais bien une partie prenante de chaque conception. Dans ma démarche créative, j’ai vraiment des automatismes en termes de ventilation naturelle, de choix d’orientation (type, taille, emplacement des ouvertures), d’économie d’énergie (photovoltaïque, solaire), de mise en valeur des matériaux locaux (pierres naturelles, essences de bois locales) , à tel point qu’il m’est déjà arrivé que l’un de mes projets soit évalué « niveau bon » dans la certification HQE avant même que nous entreprenions les travaux spécifiques avec un bureau d’étude spécialisé.
Quels sont vos indispensables pour créer ?
La phase de conception ou de création est une étape très importante, car elle devra refléter notre identité architecturale, mais surtout, répondre au besoin du maître d’ouvrage tel qu’il s’y attend. Nous tentons toujours de mettre en confiance nos clients, afin qu’ils puissent partager avec nous leur quotidien, nous permettant ainsi de concevoir des espaces adaptés et personnels. Nous sommes soucieux durant la phase d’avant esquisse d’écouter le client avec la plus grande attention. Il nous livre ses problèmes, ses envies, ses aspirations. De notre côté, nous tentons de cerner la sensibilité de chacun, de prendre en considération les horaires, les habitudes quotidiennes, les préférences des uns et des autres.
Quelle est votre étape préférée dans le processus de création ?
L’étape préférée et à la fois la plus stressante est celle de l’esquisse. C’est un moment assez particulier qui résulte juste de la phase d’écoute attentive. Sur bases de nos échanges, nous traduisons les habitudes de vie, les impératifs et les désidératas des clients en espaces de vie. Cette étape est caractérisée par l’effet de surprise, que ce soit pour le client ou pour nous. Nous sommes dans l’expectative de savoir si nous avons vraiment réussi à comprendre la demande. C’est une vraie satisfaction pour toute l’équipe lorsque nous découvrons, qu’effectivement, nous avons matérialisé au mieux les besoins et le quotidien dans l’espace.
Selon vous, dans quelle mesure l’architecture et l’architecture d’intérieur peuvent-elles interagir ?
Pour moi, l’architecture et l’architecture d’intérieur ne peuvent, et ne doivent pas être dissociées dans un projet. La transition entre un volume architectural et son intérieur doit se faire par une lecture homogène. D’ailleurs, à titre d’exemple, nous concevons toujours les intérieurs de nos projets de villas car nous les considérons comme une seule et même entité. À l’inverse sur des projets d’aménagement intérieur, je sensibilise mon client à la nécessité d’envisager un ravalement de façade pour garantir la cohérence du projet. J’insiste pour créer une vraie homogénéité et une transition logique entre ce qu’on va voir à l’extérieur et à l’intérieur, en termes de volumes et de matériaux. Pour ce faire, nous créons notamment de subtils liens visuels entre la façade et l’aménagement intérieur en rappelant une essence de bois, un motif, une découpe. Quant à l’espace paysager, même si ce n’est pas ma spécialité, j’apprécie pouvoir donner quelques directives afin que l’ambiance extérieure soit en concordance avec l’aménagement intérieur à travers le choix des essences, leurs implantations, etc.
Quelles sont vos astuces pour concilier au mieux fonctionnalité et esthétisme, personnalité et fonctionnalité ?
Concilier fonctionnalité et esthétisme est un exercice dénué d’automatisme, car chaque projet a sa propre identité, reflet de celle du porteur de projet. Cependant, la conciliation entre les deux se fait soit parallèlement, soit en considérant l’esthétisme comme une résultante, et non comme un choix imposé à la fonctionnalité. C’est d’ailleurs le reflet de notre vision architecturale minimaliste.
Comment garantir une ambiance chaleureuse sur un projet minimaliste ?
Nous apprécions de jouer sur les hauteurs, ajouter des courbes et miser sur les matériaux naturels comme le bois ou la pierre. Le choix du mobilier est aussi capital pour renforcer l’atmosphère cosy d’un espace, notamment à travers le choix des tissus que l’on préfèrera texturés comme la bouclette. Dans nos conceptions, nous sommes soucieux de proposer des meubles dessinés sur-mesure et unique pour chaque projet. Les objets décoratifs jouent aussi un rôle de personnalisation de l’espace. Encore une fois, rien n’est laissé au hasard. Nous serons attentifs de trouver la juste place de chaque objet décoratif.
Sur quels types de projets travaillez-vous ?
Nous travaillons sur des projets résidentiels allant de la villa en bande, à la villa isolée de grande surface. Nous avons également conçu récemment plusieurs commerces, notamment des restaurants, ou encore des magasins, bientôt livrés.
Quel est le plus challengeant en ce moment ?
Actuellement, le projet le plus challengeant pour l’équipe est celui de la réhabilitation d’un ancien hôtel à Rabat. Il s’agit d’un bâtiment patrimonial des années 1920, dont nous avons gardé la façade, mais revu les aspects fonctionnels et acoustiques à l’intérieur. De plus, nous avons voulu garder l’esprit du lieu en concevant des espaces qui reflètent son époque, tant au niveau du lobby, du restaurant, mais aussi dans les chambres. C’est un travail minutieux de recherche, et de conception d’éléments architectoniques dans le détail, allant de la ferronnerie, aux moulures, meubles et choix des matériaux. À mon sens, c’est particulièrement intéressant de travailler sur ce type de projet car cela relève d’une démarche durable, puisque nous conservons un héritage du passé tout en lui offrant la possibilité de s’inscrire dans le présent et dans le futur. Cela demande un travail vraiment minutieux notamment en matière d’éléments architectoniques Ce que nous apprécions, c’est d’apporter notre touche à des éléments ornementaux comme des garde-corps, des moulures. Il ne s’agit pas de reconstituer des éléments anciens, mais bien de les réinterpréter.
Si vous n’aviez aucune contrainte, que souhaiteriez-vous concevoir ?
Concevoir un équipement culturel, idéalement un musée d’arts contemporains. Ce serait pour nous un bon challenge, tant il regroupe l’architecture, l’architecture d’intérieur, la scénographie, mais surtout un travail considérable en lumière. Nous avons eu l’occasion récemment de réaliser un petit espace culturel d’exposition. C’était une expérience enrichissante que nous aimerions reproduire à plus grande échelle.