Passeur d’émotions, magicien du goût, roi du macaron, Picasso de la pâtisserie, on ne compte plus les qualificatifs qui décrivent Pierre Hermé. À Paris comme à Tokyo, les amateurs de douceurs et de chocolats se pressent dans ses boutiques-écrins. Aujourd’hui c’est à Marrakech, à La Mamounia où il aime séjourner, que Pierre Hermé vient d’ouvrir une pâtisserie, la première en Afrique. L’occasion d’en savoir plus sur sa vocation, sa réussite, sa vision de la pâtisserie, son partenariat avec La Mamounia.
Quand avez-vous su que vous deviendrez pâtissier ?
Je suis l’héritier de quatre générations d’artisans boulangers alsaciens. Mes parents m’ont appris le sens du travail, de la rigueur, de la discipline. Je me souviens d’odeurs, de celle de la pâte à pain, de beignets de Berlin, de Kougelhopf, de Stollen, de confiture de quetsches… Enfant, j’observais beaucoup mon père dans son laboratoire et dès l’âge de neuf ans, je savais que je voulais être Chef pâtissier. Je ne me suis jamais posé la question de faire autre chose. Pour moi, c’était une évidence.
Pourquoi avoir quitté votre père pour faire votre apprentissage à Paris auprès de Lenôtre ?
J’avais une soif d’apprendre, de tout apprendre. Au bout de six mois chez Lenôtre, tout le monde me connaissait. J’étais volontaire, curieux, je me renseignais sur tout. J’étais motivé, passionné. Gaston Lenôtre était un homme impressionnant, charismatique, enthousiaste et exigeant… J’ai été formé et j’ai appris mon métier chez lui. Il est mon référent aujourd’hui encore. Le savoir-faire – à la fois en techniques, en recettes et en organisation – je l’ai appris chez Lenôtre. Certes, je me suis enrichi également des expériences suivantes, mais celle-ci a posé les bases de ma connaissance et de mon métier.
Comment avez-vous fait entrer la pâtisserie dans le monde du luxe ?
Avec Charles Znaty, mon associé, notre volonté n’était pas d’ouvrir une pâtisserie, mais de créer une marque de luxe dans le domaine de la pâtisserie. On a inventé le terme de “haute pâtisserie”.
Pourquoi avez-vous ouvert une pâtisserie à Tokyo avant Paris ?
Nous avons ouvert notre première boutique à Tokyo au sein de l’hôtel New Otani en 1998. Nous avons saisi l’opportunité proposée par M. Otani, le président de l’hôtel, qui nous donnait l’occasion de lancer la marque et d’ouvrir la première boutique de la Maison Pierre Hermé Paris au Japon ! La boutique existe encore – presque 20 ans après.
Comment avez-vous créé l’Ispahan, votre best-seller ?
L’Ispahan correspond à un cheminement qui a démarré en 1987 avec la création d’un premier gâteau que j’avais appelé «Paradis» composé de framboise et de rose. Dix ans plus tard, après avoir, entre temps, découvert que le litchi a un parfum de rose, j’ai eu envie de retravailler ce gâteau pour en faire quelque chose de plus structuré au niveau des textures tout en y ajoutant ce fruit. Le résultat est devenu l’Ispahan, une des créations les plus iconiques de la Maison. Aujourd’hui, il existe une trentaine de produits autour de cette association : un macaron, un bonbon chocolat, un cake, une glace, une confiture, d’autres pâtisseries… J’aime réinterpréter les associations de saveurs que je crée afin d’explorer différentes facettes du goût.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
L’inspiration peut venir de plusieurs sources. D’une conversation, d’une visite de musée, d’un voyage voire même d’un ingrédient. Je suis naturellement curieux de tout : je découvre toujours de nouvelles choses à essayer, à tester.
Quelles sont les transgressions que vous avez apportées à la pâtisserie ?
Le défi qui m’intéresse avant tout, c’est de créer des goûts. Cette vocation m’a permis de me remettre en question et à remettre en question le métier de pâtissier. Quand j’ai créé la Maison Pierre Hermé Paris, j’ai commencé par éliminer les décorations excessives qui encombraient les pâtisseries, à utiliser le sucre comme le sel en assaisonnement pour relever d’autres nuances, à explorer toutes les saveurs, apprivoiser de nouveaux ingrédients et revisiter mes propres recettes. Avec le plaisir pour seul guide, j’ai créé mon propre univers de goût.
La transmission est-elle importante pour vous ?
Dans les métiers artisanaux, la transmission est un devoir. Personne ne vient de nulle part ! Selon moi, le savoir-faire est un patrimoine légué par nos devanciers, que l’on se doit d’entretenir, de faire évoluer et de transmettre. C’est un sujet qui me tient à cœur, en témoigne mon engagement au sein de l’association Relais Desserts, qui rassemble, depuis plus de 30 ans, l’élite mondiale de la pâtisserie française. Il y a aussi l’engagement de la Maison Pierre Hermé Paris au sein du Comité Colbert.
Pourquoi ouvrir une boutique à la Mamounia ?
La Mamounia est avant tout un hôtel de luxe avec lequel nous partageons beaucoup de valeurs. C’est un hôtel mythique dans lequel j’aime particulièrement résider. J’apprécie le confort, l’esthétique et l’harmonie qui s’y dégage, et surtout le service, l’attention portée au détail, la qualité, la créativité. Comme beaucoup de projets au sein de la Maison, l’idée d’ouvrir une boutique à la Mamounia a démarré avec une rencontre, une amitié.
Cette boutique a-t- elle été conçue en interne par vos équipes ?
Nous avons travaillé main dans la main avec les équipes de la Mamounia dès le début du projet – que ça soit pour l’architecture ou le design de la boutique, la formation des vendeurs ou la communication. Nous travaillons ensemble afin de créer quelque chose qui représente nos deux marques et qui soit à la hauteur de nos exigences.
Parlez-nous des pâtisseries créées pour la Mamounia.
Dans la boutique Pierre Hermé Paris au sein de l’hôtel, dès décembre 2017, les clients trouveront pour la première fois une sélection des créations les plus iconiques de la Maison – les pâtisseries, les macarons, les bonbons chocolat… C’est la première et unique boutique sur le continent africain. Les clients de l’hôtel pourront également trouver les créations de la Maison au sein des restaurants de l’hôtel et en room service avec quelques créations exclusives dès le mois de décembre et pour les fêtes de fin d’année ! Toute l’offre sucrée de l’hôtel, à partir de décembre, sera signée Pierre Hermé. J’ai travaillé sur les ingrédients et goûts locaux que j’ai réinterprété à ma façon, comme la création pour le restaurant marocain : Fleur d’oranger, citron, miel comme une pastilla – à découvrir absolument !
Votre macaron préféré ?
Très simple, le prochain ! Ma saveur préférée est toujours celle que je n’ai pas encore créée…
Avez-vous encore des rêves que vous n’avez pas réalisés ?
J’ai l’impression qu’il y a toujours beaucoup de choses à accomplir, de futures inspirations à trouver, des rencontres à provoquer, des territoires de goût à explorer !
Quelle est votre vision du luxe ?
Le luxe pour moi – c’est le temps !