D’une assez banale maison des années 40, Gilles Benzaquen, à fait, grâce à sa passion pour l’Art Déco qu’il a habilement mis en scène, un lieu élégant où sobriété rivalise avec fantaisie.
Stylisme Deborah BENZAQUEN
Texte Valérie TAZI
Photos M. ROMLI
Gilles Benzaquen cherchait une maison des années 30 comme il y en avait énormément à Casablanca, mais avec une vue sur la mer. Finalement, il acheta cette demeure des années 40, sur le versant d’Anfa protégé des agressions de l’Océan. Il la rénova complètement dans le style Art Déco parce que pour lui «c’est ce qu’il y a de plus beau dans l’art moderne, c’est ce qui m’émeut le plus et c’est aussi mon enfance». Il le fit à l’aide de Baïrami, un architecte macédonien installé au Maroc et très artiste dans l’âme, et de Marie-Françoise Jacolette, décoratrice, «avec aussi un grand pouvoir artistique, un don pour la géométrie des sols et l’équilibre général de la maison » raconte Gilles Benzaquen. La porte, les ouvertures, les rambardes ont été modifiées en prenant modèle sur les façades des maisons du quartier des Habous ou de l’ex-quartier juif.
Le propriétaire des lieux a mélangé l’Art Déco à l’art marocain, deux styles qui vont très bien ensemble. Tout en ajoutant, de-ci, de-là, une touche kitch, qui tranche avec la sobriété des lignes épurées du mobilier des années 30. Gilles Benzaquen appelle cela des ruptures. Il les tient de l’architecte Elie Azagury qui l’a beaucoup inspiré. «C’est lui qui m’a appris les ruptures qui consistent à poser quelque chose de surprenant dans un endroit harmonieux». Du coup, la maison est pleine de surprises.
La maison est peinte à la chaux en ocre (couleur assez inhabituelle à Casablanca) avec de grandes ouvertures dotées de délicats encadrements en fer peints en vert amande et des grilles qui ressemblent à de la dentelle et non pas aux barreaux de prison habituels. Une sobre piscine rectangulaire avec un carrelage en damier occupe une partie du jardin. Des cabines en bois à la manière des anciennes cabines de plage servent de vestiaires. Un salon en rotin confortable invite à la paresse.
Dans l’entrée, le ton est donné grâce à une console et un portemanteau typiquement Art Déco. De vieilles gravures du Maroc, des photos de Déborah Benzaquen et une toile de Younes El Kharraz ornent les murs. Un jude-box en parfait état de marche trône au pied de l’escalier qui mène aux chambres et au coin musique, et se termine par un escalier en colimaçon qui donne accès à la terrasse.
Dans le salon, il n’y a pas beaucoup de mobilier à cause des nombreuses ouvertures qui apportent beaucoup de lumière et réchauffent le bois sombre du mobilier Art Déco. Tout à été chiné – meubles, objets, luminaires – chez des antiquaires de Casablanca et Paris. Le sol en mosaïque d’époque est à lui seul un tapis tellement il est travaillé. Une véritable œuvre d’art sur laquelle les tapis à damiers ressortent merveilleusement bien. Ils ont été dessinés par les propriétaires des lieux et réalisés par Manu Carpet. «On est très carreaux, ils nous inspirent des images, des peintures, des films comme ceux de David Lynch» explique Gilles Benzaquen. Un porte cartes postales contient des photos de famille. Le faux palmier est la touche kitch, «la rupture» du salon. Autour de la cheminée et sur les plinthes, on retrouve le bejmat emprunté au patrimoine artisanal marocain.
Au mur, une panthère de Paul Jouve, peintre animalier de la période Art Déco, veille.
Dans la salle à manger, une table rectangulaire est entourée de chaises avec accoudoirs recouvertes de cuir Interior’s de différentes couleurs.
Le bar est composé d’une partie inférieure perforée d’étoiles. Les tabourets sont assortis aux chaises de la salle à manger. Un magnifique seau à champagne Alessi, d’anciennes affiches publicitaires, un cendrier toupie sont artistiquement posés sur le dessus en Corian.
La Salle de jeu qualifiée «d’un peu rococo, d’un peu italienne» par Gilles Benzaquen, «est plus basée sur l’accueil que sur la décoration». Ici, règne un joyeux mélange de styles : table en tuya d’Essaouira, réfrigérateur rouge tout droit venu des sixties, canapé en cuir confortable et billard américain.
La chambre est très grande mais chaleureuse grâce à ses portes de placards en bois travaillé, sa cheminée en bejmat et ses grandes fenêtres qui offrent un accès direct à l’azur. Une décoration qui échappe au temps.
La salle de bain est dans le plus pur style marocain avec son zellige et ses portes de placards en bois. Une grande fenêtre distille une douce lumière.