Si lorsque l’on évoque la table portugaise, il nous vient rapidement à l’esprit les fameuses croquettes de morues ou les délicieuses pastéis de Nata, nous sommes un peu moins inspirés lorsqu’il s’agit d’énoncer les acteurs qui font l’art de la table portugais. En collaboration avec AICEP- Agence pour l’Investissement et le Commerce Extérieur du Portugal-, nous vous proposons de partir à la rencontre de cette filière créative, pleine de vitalité, fière de son héritage tout en étant tournée vers l’avenir. Porcelaine, cristallerie, coutellerie mais aussi accessoires textiles, tous les ingrédients sont réunis pour dresser une table à la fois audacieuse, innovante et durable.
Par : M.W.

La céramique et la cristallerie, un duo en perpétuel renouveau

Grands indispensables de l’univers de l’art de la table, la céramique et la cristallerie figurent parmi les secteurs florissants et ultra créatifs de la filière maison. Fiers de leurs traditions et de la richesse de l’histoire et de l’identité portugaise, ces secteurs ne manquent pas de valoriser cet héritage tout en étant en quête d’innovation.

Si l’innovation va de pair avec le développement des secteurs de la cristallerie et de la céramique, la préservation des savoir-faire artisanaux demeure la clé de voute du développement des nouvelles collections. C’est précisément la capacité à ne pas oublier les traditions, tout en regardant vers l’avenir et en acquérant de nouvelles connaissances, qui a permis aux entreprises de se distinguer à l’international et d’asseoir une réputation de plus en plus solide. Reconnues pour la qualité d’exécution irréprochable de ses produits, les entreprises des secteurs de la céramique et de la cristallerie ne se reposent pour autant pas sur leurs acquis et tendent à innover constamment. Aujourd’hui, les entreprises sont ainsi soucieuses d’insuffler à leurs produits une identité remarquable et une différenciation. Cette démarche passe notamment par l’intégration du design dans le processus de fabrication. En plus d’améliorer les aspects fonctionnels, ergonomiques et visuels des produits, répondant aux besoins du consommateur, le design figure parmi les principaux instruments de concurrence sur les marchés nationaux et internationaux. En effet, la réflexion qu’il inspire autour des produits, entraine le passage d’un objet banal et familier, dont on pourrait rapidement se séparer à une création porteuse de sens, capable d’évoquer une émotion, un souvenir, et de partager des valeurs.

«La porcelaine est une «toile vierge» où le designer met sa créativité en action. Un produit d’excellence implique une base extraordinaire – comme la porcelaine – et une créativité livre. Aujourd’hui, nous travaillons avec des designers portugais et internationaux comme Almada Negreiros, Joana Vasconcelos, Cruzeiro Seixas, Sam Baron, Christian Lacroix Maison, Bruno Jahara, Pedro Cabrita Reis, Claudia Schiffer, parmi tant d’autres qui nous apportent leur vision du monde, de l’art, de la vie !» Groupe Vista Alegre – Bordallo Pinheiro

Rencontre des savoir-faire
Chez certaines entreprises, l’alliance entre l’histoire, le savoir-faire et la créativité donne également lieu à l’union des matières. C’est notamment le cas de Topazio, marque d’articles de décoration et d’art de la table qui met l’expertise de ses dizaines d’artisans qui fondent, sculptent et polissent l’argent au service de créations exclusives. Intemporels, les objets se veulent durables, car capables d’être appréciés par les générations à venir.

João Sequeira, président de l’APICER

Association portugaise des industries de la céramique et de la cristallerie, l’APICER veille à accompagner les professionnels dans leur développement. Son président, Mr João Sequeira revient sur la vision de l’association et les nombreux atouts de ces filières d’avenir.

Quels sont les principaux rôles de l’APICER?
La mission statutaire de notre association est de soutenir les entreprises et leurs secteurs d’activité respectifs dans les domaines où une intervention est nécessaire. Cette intervention relève surtout de la représentation institutionnelle, et autour des thématiques de durabilité économique, sociale et environnementale, de communication et marketing, de relations internationales, de coopération interentreprises et de marchés, notamment lorsqu’il s’agit d’actions collectives. Le secteur de l’industrie céramique et cristalline compte 1181 entreprises, 18458 travailleurs, exportant vers 160 marchés internationaux. Notons qu’à elle seule, la région centrale du pays Aveiro, Leiria et Zona Oeste) représente environ 81,5% de la production nationale totale.

Quelle est votre définition du secteur de la céramique portugaise ?
Le Portugal est un pays avec une longue histoire et une forte tradition céramique. Cet héritage, dont nous pouvons être fiers est préservé et transmis dans les différents musées nationaux. À cette tradition, nous avons ajouté l’innovation technologique et le design, avec des entreprises comptant parmi les meilleures et les plus modernes au niveau européen. Nous continuons à écrire notre histoire dans plus de 160 pays dans lesquels nous sommes implantés et vers lesquels nous exportons. Le Portugal est le premier exportateur européen de faïence et de grès, et le deuxième exportateur mondial, des positions que nous avons conquises par la qualité des produits, leur conception, et par la réponse que nous sommes en mesure d’apporter aux exigences posées par les clients et la mode.

Comment le secteur allie-t-il aujourd’hui la tradition et la modernité ?
Aujourd’hui, le secteur peut compter sur la qualité des matières premières dont dispose le Portugal ainsi que sur les compétences et l’inventivité de nos céramistes. La céramique portugaise est reconnue à travers le monde pour sa créativité et son caractère décoratif qui apporte une vraie émotion à la table. Tout en conservant des formes et des décors qui la rendent identifiable, elle a eu la capacité s’adapter facilement aux différents marchés, cultures et même cuisines locales. Il est important de souligner qu’elle a également eu la capacité de répondre aux goûts plus modernes des jeunes générations et tout ceux qui souhaitent opter une plus grande fonctionnalité et résistance des produits. Ce qui séduit également le marché, c’est la capacité du secteur à répondre aux demandes et à s’adapter. Cette réactivé est essentielle pour que les grandes chaînes internationales, le monde de la restauration et les consommateurs continuent de faire appel à nous.

Que dire plus spécifiquement sur l’innovation et la durabilité dans le secteur de la céramique ?
Le secteur s’attelle à suivre des critères de responsabilité sociale et de développement durable en recherchant de bonnes performances environnementales des produits et des entreprises. Il s’engage à œuvrer afin de répondre aux enjeux environnementaux, à la longue durée de vie des produits est déterminante, et à la possibilité qu’à la fin de ce cycle de vie, ils puissent être réutilisés comme matières premières secondaires pour de nouveaux produits et de multiples applications. Dans cette optique, le secteur a la chance de bénéficier du soutien des écoles et des universités, ainsi que du Centre technologique de la céramique et du verre basé à Coimbra et du CENCAL basé à Caldas da Rainha pour les domaines de la formation professionnelle. Cela permet de suivre l’innovation technologique, notamment en matière d’efficacité énergétique et de rationalisation des matières premières.

La coutellerie, la transmission d’un art séculaire

Reconnus pour leur très haute qualité, vous avez déjà peut-être eu l’occasion d’apercevoir les couverts portugais dans les boutiques spécialisées ou sur les tables des restaurants et des hôtels de prestige. Si les marques tiennent parfois à évoquer la simplicité des origines, elles font surtout preuve de créativité et d’innovation pour inscrire durablement leur produit dans notre quotidien.

Aujourd’hui, la tradition de la coutellerie au Portugal demeure vivace. Reposant sur des processus de production ayant fait leurs preuves durant des décennies, le secteur ne manque toutefois pas de faire appel à des matériaux et des méthodes de fabrication innovantes. Conscientes toutefois que la technologie ne peut remplacer le savoir-faire, les entreprises de cette filière sont particulièrement sensibles à la préservation des connaissances et de l’agilité manuelle. Transmis de génération en génération, il contribue encore aujourd’hui à proposer des produits de haute qualité, résolument distinctifs. La rencontre de la tradition et du design a également largement contribué à renforcer son attractivité. Peu à peu, les entreprises se sont permises d’expérimenter de nouvelles formes, d’explorer de nouvelles associations de matériaux en vue d’apporter une sophistication aux produits et de répondre à une clientèle en quête d’objets différenciants. Quant à la voie de la durabilité, la filière de la coutellerie ne manque pas d’apporter sa pierre à l’édifice en étant particulière attentive à la rationalisation et au traitement de ses déchets, de même qu’en optant pour l’usage d’énergie verte comme la production d’énergie solaire.
À titre d’exemple, Cutipol affirme aujourd’hui être autosuffisant à 80 % grâce à l’énergie solaire. En outre, la conscience environnementale se matérialise au sein même des processus de création de nombreuses entreprises, qui en misant sur la haute qualité de leurs couverts en acier inoxydable contribuent à garantir leur pérennité.
Associé à un design intemporel, les ensembles de couverts peuvent ainsi être transmis de génération en génération et s’inscrire dans une démarche de consommation durable.

transmission familiale
Comptant près de 20 000 entreprises, la filière maison au Portugal est constituée majoritairement de PME, parmi elles, nombreuses sont celles à être demeurées une histoire de famille. Dans le secteur de la coutellerie, c’est notamment le cas de Cutipol, qui aujourd’hui encore est dirigée par les 5 enfants des fondateurs José Ribeiro et Alice Marques. Cette transmission générationnelle a été synonyme d’un développement de nouveaux procédés et d’une valorisation du design comme moteur de croissance de l’entreprise.

«Selon nous, le développement de la culture gastronomique, de même que la tendance croissante du « slow food » et du bio sont prépondérants dans le succès de produits comme les nôtres.» Cutipol

Un support académique
Soucieuses de développer des solutions toujours plus innovantes et plus durables, certaines entreprises portugaises ne manquent pas de faire appel aux chercheurs universitaires afin de travailler en synergie sur de nouveaux produits. C’est le cas de Belo Inox qui a établi des partenariats technologiques étroits avec l’Université de Minho et d’Aveiro. Ensemble, ils ont développé de nouvelles méthodes de construction ainsi que des fibres spéciales pour ajouter de l’exclusivité à leurs produits, et proposer des compositions avec des matériaux 100 % recyclables ! Cette démarche vise à permettre à l’entreprise d’adopter toujours plus de pratiques vertes.

Des incontournables du quotidien
En cuisine, la rencontre du savoir-faire, du design et de la technologie a également contribué au développement des marques d’ustensiles métalliques tant au niveau local qu’international. Robustes et ingénieux, les autocuiseurs, paniers vapeurs, casseroles et autres bols pâtissier ont su évoluer pour répondre aux envies du moment et conserver une place de choix au sein des foyers. Bien qu’usuels, ces objets métalliques ont représenté une source d’inspiration pour l’artiste Joana Vasconcelos. Elle a transformé un ustensile basique de Silampos en une composition glamour baptisée «Marilyn».
Pour l’artiste, c’était une façon de questionner le rôle des femmes dans notre société. En tant que sculpture extérieure, elle crée également un pont entre la vie privée et la sphère publique, offrant une nouvelle perspective sur une approche conventionnelle.

Le textile, un fleuron de l’écoresponsabilité

S’il y a encore quelques décennies, la filière textile portugaise a pu souffrir d’un délaissement certain au profit de l’industrie asiatique. Elle a connu une véritable renaissance en misant à la fois sur la qualité, mais aussi sur l’attrait de plus en plus marqué des consommateurs pour des productions éthiques et durables.

«Au fil des ans, nous avons exploré davantage les techniques artisanales et l’inclusion de différents matériaux dans notre production. L’artisanat permet de réaliser des pièces sur-mesure et vraiment uniques, qui sont de plus en plus appréciées par les consommateurs. Lorsqu’elles sont fabriquées à la main, les pièces ne sont pas limitées par les dimensions des machines ou leurs capacités, et c’est un vrai atout.» Darono

Associant à un savoir-faire traditionnel, l’innovation du design moderne et une profonde réflexion autour de la durabilité, le secteur du textile portugais se distingue comme une belle success story. Ayant été capable de s’adapter et de se réinventer, il a en effet pu faire preuve d’une grande résistance à la mondialisation et à la vague de délocalisation des productions textiles. Renommé pour la haute qualité de ses productions, le secteur du textile maison a réussi le pari de se faire connaitre pour sa recherche constante de solutions innovantes. Fort d’un vaste héritage artisanal, le secteur textile a entrepris un investissement technologique considérable et une mutation nécessaire afin de s’inscrire résolument dans une démarche durable. Cela a contribué à l’émergence de nouvelles méthodes de production, ainsi qu’à un questionnement autour du choix des matières premières, de l’acheminement des produits, de même que de l’optimisation des ressources. Cette quête d’innovation se matérialise autour de l’utilisation de nouveaux matériaux durables. Le secteur tend notamment à se distinguer par l’utilisation du liège pour produire du fil et par l’usage toujours plus important de fibres recyclées et recyclables.

«Pour nous, la meilleure façon de conserver notre place sur le marché depuis plus de 70 ans a été de nous rappeler que l’industrie doit s’adapter aux tendances du marché et non l’inverse. Pour ce faire, nous maintenons toujours la mise à jour constante des compétences personnelles et techniques, en ayant toujours à l’esprit la satisfaction de nos clients et en dépassant leurs attentes. Être toujours un partenaire de confiance et engagé envers leurs besoins.» Fateba

Des matières premières certifiées, une plus-value appréciée
Le secteur textile portugais s’est engagé sur la voie de la durabilité notamment à travers le choix des matières premières. à l’instar de la société Fabeta, spécialiste du textile maison qui est certifié Oeko-Tex et membre de «Better cotton iniciative». Répondant à des normes de qualités élevées, leurs produits sont innovants, personnalisés et exclusifs.

L’upcycling, une façon de se distinguer
Figurant parmi les grandes tendances du moment, l’upcycling est valorisé dans la filière textile portugaise, notamment par la société Darono, qui en a fait sa marque de fabrique. Proposant des produits faits main, elle a entrepris une démarche innovante et éco-responsable consistant à récolter les chutes et sous-produits d’autres industries textiles, afin de les transformer en articles attractifs et tendances pour la maison. Si aujourd’hui, Darono collecte sa « matière première » dans toute l’Europe, le Portugal, grâce à son industrie textile forte, demeure son principal fournisseur. Cette collecte locale à l’avantage d’être moins impactante au niveau environnemental puisqu’elle limite les transports.