Au fil de ces dernières décénnies, Paolo Navone s’est imposée comme une figure incontournable du design italien. Originaire de Turin, elle développe rapidement un goût démesuré pour le voyage et a parcouru l’Asie et l’Afrique pendant de nombreuses années. Faisant du monde sa source d’inspiration inépuisable, elle est portée par l’instinct d’hybrider les images, les couleurs, les matériaux et les objets à partir de différents univers. Mariant inexorablement l’artisanat et l’industrie, elle insuffle à ses créations un esprit éclectique, libre et décalé en collaboration avec des marques comme Gervasoni, Poliform, Serax, Baxter, Emu et bien d’autres.
Vous vous démarquez sur la scène du design depuis plus de 30 ans, qu’est-ce qui vous donne envie de créer toujours plus?
C’est vrai qu’aujourd’hui, nous avons presque tout fait. Si je continue à faire mon travail, c’est parce que des entreprises me sollicitent, mais surtout parce que mon activité de designer me donne la chance d’ajouter un petit pourcentage de plaisir dans tout ce que je fais.
Comment vous qualifiez-vous?
Une designer nomade… ou peut-être une anthropologue des choses.
On évoque souvent votre esprit libre, qu’en pensez-vous?
C’est vrai que dans tous nos projets, nous aimons combiner différents univers de manière libre et non conventionnelle, en écoutant nos sentiments plus que les goûts et les modes du moment.
Existe-t-il un style Paola Navone?
Je ne pense pas qu’on puisse parler d’un style. Nos projets sont toujours uniques car issus d’alchimies, de lieux ou de savoir-faire uniques. Cependant, il y a certaines constantes que nous aimons appeler nos «outils spéciaux» comme la simplicité et l’imperfection. À chaque fois, ils sont déclinés et mélangés de façon différente, mais représentent une sorte de fil rouge dans tous nos projets.
Selon vous, que doit représenter le design aujourd’hui?
En fait, je pense que le design ne doit pas être une question de cout ou d’effet mode. Il doit simplement nous permettre de nous sentir bien en rendant nos lieux de vie plus accueillants, rassurants et protecteurs. Pour les designers, c’est vraiment le défi du futur.
Vous êtes une personnalité italienne emblématique mais vous voyagez aussi beaucoup. En quoi vos racines et les influences culturelles du monde se rejoignent-elles dans vos projets?
J’aime dire que voyager est ma façon de respirer… Le monde est ma source intarissable d’inspiration. Tout ce que j’ai absorbé du monde dans ma vie de nomade est entremêlés dans ma tête. Quand quelque chose titille ma créativité, différents éléments se combinent comme s’ils étaient déjà là.
Quelle est votre étape préférée dans le processus de création?
Nous essayons toujours de créer une complicité particulière avec le lieu, sans aucun instinct philologique. L’étape finale d’un projet d’intérieur est toujours passionnante, quand tout prend soudainement forme et que ce que vous avez imaginé est enfin devant vos yeux.
Quelles sont les rencontres qui ont particulièrement impacté votre travail?
Chaque projet génère de nouvelles alchimies; elles sont le moteur de la créativité. Je distinguerais plus spécialement, mes rencontres avec le savoir-faire de Baxter dans le traitement du cuir, la tradition de tissage de Gervasoni, le savoir-faire artisanal d’Ethimo. Les compétences certaines des entreprises avec lesquelles nous travaillons demeurent de grandes sources d’inspiration créative.
Comment combinez-vous avec succès vos idées créatives à l’industrialisation des produits?
J’ai toujours été attirée par l’imperfection des matières naturelles et des choses faites à la main. J’aime souvent contaminer les processus industriels avec un petit élément qui vient de ma passion pour les produits artisanaux. Ce n’est pas toujours facile de convaincre les entreprises, mais quand cela arrive, c’est merveilleux!
Avez-vous des préférences en matière de production?
Nous aimons créer un monde de choses différentes, en concevant des objets conviviaux et pop qui peuvent rendre le quotidien un peu extraordinaire. Peu importe qu’il s’agisse d’une chaise ou d’une bouteille, le processus est toujours le même, cela dépend de l’entreprise qui produit cet objet ou ce meuble et de son savoir-faire, de son histoire… Nous aimons partir de là et donner une image contemporaine et inattendue au savoir-faire particulier qui appartient à chaque entreprise. Ce qui en ressort est toujours un peu spécial.
Quels sont vos matériaux préférés?
J’aime l’essence imparfaite, tactile et brute des matériaux naturels, de la pierre au bois, du tissu à la céramique, du tissage aux fibres au verre…
Quel rôle la nature et la durabilité jouent-elles dans votre processus créatif ?
Il y a tellement de façons de penser durable. Ma démarche est souvent liée à la réutilisation de choses qui existent déjà. J’aime l’idée de leur donner une seconde vie. Imaginé ailleurs ou montré dans un décor inattendu, même l’objet le plus banal peut devenir quelque chose de joyeux et d’extraordinaire. En un mot, j’adore l’upcycling.
Quels sont vos derniers projets phares?
Nous avons eu la chance de concevoir différents hôtels et centres de villégiature COMO dans de beaux endroits à travers le monde. Les derniers sont Castello del Nero en Toscane et maintenant nous travaillons sur Como Le Montrachet en Bourgogne, qui est en construction. Ensuite, nous venons de terminer le premier hôt el en Italie pour les hôtels 25hours à Florence, il s’appelle 25hours piazza San Paolino et c’est une aventure extraordinaire dans le monde de Dante.
Quelle est votre définition du luxe?
Pour moi, le luxe est avant tout une question de ressenti. C’est le plaisir de se sentir bien, la joie de se faire dorloter dans un environnement délicat, accueillant et convivial.