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Luxe

Noé Duchaufour-Lawrance :
«Le cristal est une matière aussi magique qu’indomptable»

By juin 27, 2018juin 27th, 2024No Comments

Noé Duchaufour-Lawrance a conçu pour Saint-Louis, une collection qui rend hommage à la nature et explore les savoirs-faire magnifiques de la manufacture de cristal. Il nous explique les défis de Folia, mais aussi son écriture tout en courbes et son processus créatif. Il nous révèle enfin ses liens – insoupçonnés – avec le Maroc.

Photos : Saint-Louis

 

La forêt a été au cœur de l’inspiration de la collection Folia créée avec la manufacture de Saint-Louis. La nature est-elle une source de création permanente pour vous ? Fait-elle partie de votre singularité en tant que designer ?
Effectivement, mon travail a toujours été inspiré par la nature. Par le design, je cherche à recréer ce que l’on ressent lors de l’observation et de la contemplation du monde naturel ; je cherche à créer un lien, une connexion fragile entre l’environnement extérieur et l’architecture ou la décoration d’intérieur.
C’est pourquoi mon inspiration repose sur l’émotion, la contemplation, l’admiration et l’immersion dans la nature : ses formes et silhouettes, ses matériaux, sa lumière, son écosystème… sont sources de fascination.
Mon travail est oxymore : il est tension permanente entre les lignes et les courbes, la masse et le vide, l’intérieur et l’extérieur. Le juste équilibre consiste à créer une structure de la légèreté à travers des objets qui nous ressemblent, c’est-à-dire des corps composés d’éléments tendres ou rigides.

Quelles sont les contraintes d’un matériau comme le cristal ?
Le cristal requiert expertise et patience. J’ai été intrigué par le challenge lorsque la maison Saint-Louis m’a proposé de créer une collection. C’est une matière, presque vivante, extrêmement complexe, à la fois liquide et solide, chaude et froide. Le cristal est aussi magique qu’indomptable, et il a fallu près de 3 ans de développement pour créer la collection Folia. Le résultat : chaque création possède sa propre personnalité, sa singularité. La relation entre le cristal et la lumière est intuitive, mais le poids de la matière étant important, il me semblait fondamental d’apporter de la légèreté dans le design.

Comment avez-vous échangé avec les artisans de la manufacture Saint-Louis ?
Ce fût un processus enchanteur : la qualité et la tradition font partie de l’héritage Saint-Louis. Ce sont des valeurs que les 200 artisans de la manufacture défendent au quotidien, selon des gestes qui se transmettent de génération en génération : le cristal est soufflé à la bouche et taillé à la main. Pour Folia, je souhaitais créer une nouvelle technique et offrir une nouvelle forme au cristal, cela représentait un grand nombre de défis techniques. Par exemple, je voulais que la taille démarre très bas sur la paraison des verres à pied pour qu’elle donne l’impression de naître de la jambe. Pour y arriver, nous avons ajusté l’épaisseur du bas de la paraison, pour éviter qu’elle ne casse au moment de la taille. Des dizaines d’essais ont été réalisés, et les artisans ont fait preuve d’une vraie capacité de résilience.

Quelle est la place de l’artisanat dans vos projets ?
Elle est fondamentale, parce qu’il y a toujours une empreinte du geste dans les objets artisanaux. Il est vital pour un designer de voir que sa création passe par les mains d’un autre, dès la conception de l’objet. Le design est une proposition et un dialogue. Collaborer avec des artisans ouvre le champ des possibles.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
La vie. Dans son exhaustivité.

Vos matières de prédilection ?
Le design repose sur le contexte : pour qui crée-t-on, que souhaite-t-on dire, quel matériel va-t-on exploiter ? En fonction du projet, et de l’ambition, s’effectue le choix de la matière ; c’est la première étape. Le reste suit, dans un élan plus émotionnel. J’aime le challenge que représente la mixité des matières. Il incite à repousser les frontières, parfois dans un sens que l’on ne pouvait imaginer. Le cristal est complexe, mais comme je vous l’ai dit, j’aime les challenges.

Qu’est-ce qui vous anime le plus, l’objet ou l’architecture d’intérieur ?
C’est le concept, l’intention créative qui m’anime avant tout.

Quelle est la place du dessin dans votre processus de création ?
Le dessin est le commencement de tout le processus. A partir de là, un monde s’ouvre. Je dessine constamment, cela m’apporte focus et inspiration.

Le toucher, est-il un sens important que vous souhaitez solliciter à travers la découverte de vos créations ?
Effectivement, toucher avec les mains et ressentir est fondamental pour moi. Le meilleur compliment que l’on puisse me faire est de toucher mes créations avant de dire quoique ce soit.

Vous avez collaboré avec de nombreuses marques. Avec qui aimeriez-vous travailler ?
Les collaborations sont la meilleure façon de grandir en tant que designer. Cela suggère d’être à la croisée des chemins, d’expérimenter des territoires qui n’ont pas été forcément choisis. Cela étant dit, je me focalise actuellement sur mon propre projet : une série d’objets à collectionner, une liberté totale par rapport à ce que je fais. Les collaborations sont une tâche complexe et grande à la fois : avoir tant de liberté est aussi une responsabilité.

Votre rêve le plus fou ?
Chaque projet est un rêve fou.

Votre prochain projet ?
Je travaille actuellement sur plusieurs projets : des résidences privées, des collections pour des galeries et des collaborations avec des maisons. Avec Saint-Louis, la collaboration continue et les résultats sont superbes et arrivent bientôt.

Avez-vous des liens avec le Maroc ?
J’ai un lien très émotionnel avec le Maroc. J’y ai habité un an, pendant mes études, lors d’une année sabbatique, dans une maison en bois face à la mer, sur l’une des plages du sud de Rabat. Mon premier enfant y est presque né. J’y suis retourné 15 ans plus tard pour réaliser le W Hotel de Marrakech. Malheureusement, après deux ans de travail, ce projet n’a pas vu le jour. J’ai rencontré ma femme au Maroc. Depuis, nous y retournons souvent. J’adore ce pays.

Quelle est votre définition du luxe ?
Suivre une intuition, et prendre le temps de faire les choses aussi bien que possible, de la manière la plus honnête possible. Ne jamais avoir peur de refaire, sans jamais changer de cible : la perfection.

Qui est Noé Duchaufour-Lawrance ?
Architecte et designer, Noé Duchaufour-Lawrance est né à Mende, dans le sud de la France, en 1975. Elevé dans un milieu créatif, il a été formé à l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art, puis a intégré la section Mobilier des Arts Décoratifs. Un de ses premiers projets, le restaurant Sketch, à Londres, lui a valu le prix Best Design et a lancé sa carrière, dès 2002. En 2005, il a pris en charge la décoration intérieure du restaurant d’Alain Senderens, puis a conçu le Ciel de Paris, restaurant situé au sommet de la Tour Montparnasse. On lui doit aussi le décor du Maya Bar à Monace, le Séniquier à SaintTropez, la nouvelle identité des salons lounge d’Air France, les flacons de One Million et Lady Million de Paco Rabanne, le pouf et le canapé Ottoman (inspiré du traditionnel pouf marocain) pour Cinna, des luminaires pour Petite Friture, une boutique Mont Blanc à Paris, la chaise Corvo avec Bernahardt Design qui lui a valu un Gold Award, etc.