Material Consultant et architecte d’intérieur, Mohamed Amor a pour souci d’inscrire ses projets dans la localité tout en les érigeant au niveau des normes internationales. Avec son cabinet d’architecture d’intérieur, ICC Design, il propose d’allier à une esthétique contemporaine et minimaliste, la durabilité de matériaux innovants et l’efficacité des technologies actuelles.
Par : Mélanie Wilms
Comment êtes-vous venu à l’architecture?
J’ai toujours eu une passion pour la création et pour le design. A l’adolescence, j’étais surtout captivé par les yachts et plus largement par le secteur naval et l’aéronautique. J’ai également un grand penchant pour l’architecture industrielle, pour la série. Lorsque je me suis dirigé vers l’architecture d’intérieur, j’ai saisi toutes les occasions d’explorer ces différents secteurs. J’ai notamment collaboré sur des projets d’architecture textile, de mobilier urbain, de design de lumière. C’est ce que j’apprécie vraiment avec l’architecture, c’est qu’elle ouvre des portes sur un monde très vaste. C’est un art qui nous permet d’apprendre chaque jour et de nouer des partenariats qui contribuent à modeler notre démarche créative et à affiner notre réflexion.
Quelles sont les grandes étapes de votre carrière?
Après avoir obtenu mon diplôme d’architecture d’intérieur à l’ESDAV- Ecole Supérieur de Design et des Arts Visuels- de Casablanca, j’ai eu l’opportunité d’intégrer l’équipe d’Orange Atelier. J’y ai appris énormément de choses. Par la suite, j’ai eu l’occasion d’explorer le domaine industriel, en rejoignant la société familiale, Senamor, spécialisée dans la découpe laser, l’inox, etc. C’est au cours de cette expérience que j’ai eu le déclic d’entreprendre des partenariats avec différentes marques spécialisées dans les matériaux innovants (Serge Ferrari, Cimelect, Porcelanosa Groupe) et de devenir prescripteur pour les architectes.
Justement, être prescripteur, en quoi cela consiste-t-il ?
Il s’agit d’anticiper sur le marché les changements technologiques et de connaitre à l’avance les dernières avancées en matière d’innovation. L’objectif est de pouvoir proposer des matériaux toujours plus durables, offrant par exemple le meilleur rapport entre l’aspect esthétique et l’efficacité énergétique, l’isolation acoustique ou thermique. Selon moi, les architectes qui ont le plus marqué leur époque, ce sont ceux qui ont su être à l’avance par rapport aux autres en optant pour des matériaux innovants ou futuristes comme Jean Nouvel ou Zaha Hadid. Dans mon travail, j’essaie d’encadrer au maximum les architectes marocains afin que les conceptions locales puissent s’aligner aux normes internationales en termes de durabilité, d’esthétique et d’efficacité énergétique. Malheureusement, pour la plupart des projets, on observe toujours une certaine frilosité de la part des clients et des acteurs du secteur.
Le choix d’exercer au Maroc était-il une évidence?
C’était plutôt un choix. A mon sens, le pays est un chantier à ciel ouvert qui devrait constamment avoir besoin de designers et de concepteurs. Il est d’autant plus intéressant de débuter une carrière ici que les possibilités de collaboration sont illimitées. Il était aussi important pour moi de saisir l’occasion de sensibiliser les Marocains à une nouvelle démarche de l’architecture, conciliant tendances actuelles et spécificités culturelles. Je m’intéresse beaucoup à notre patrimoine et j’aimerais pouvoir travailler sur plus de réhabilitation de bâtiments historiques. En ce sens, je suis admiratif du travail de Norman Foster qui propose des réhabilitations audacieuses en incrustant des matériaux résolument futuristes dans le bâti ancien.
Quelle est votre vision de l’architecture et de l’architecture d’intérieur?
Je pense que cela fait sens de fusionner les deux, de créer des équipes pluridisciplinaires qui œuvrent dans un seul but: la réussite des projets. Aujourd’hui plus que jamais, il est primordial d’avoir une vision globale d’un projet et de veiller notamment à l’adéquation des bâtiments avec leur environnement. A mon sens, il est également important de respecter le concept architectural d’un projet lors de la conception de l’architecture d’intérieur. Il doit absolument y avoir une cohérence. Je pense que cette cohérence ne peut aboutir qu’en affinant la communication entre les différents pôles, voir même à faire tomber la frontière existant entre l’architecture et l’architecture d’intérieur. Personnellement, je n’envisage pas l’architecture d’intérieur comme une prestation mineure consistant simplement à choisir les couleurs ou à opter pour des matériaux tendances.
Quelles sont les spécificités de ces métiers au Maroc?
Je pense qu’une conscience architecturale commence à émerger ce qui, par la force des choses, place plus de responsabilités sur les épaules des architectes et designers.
Comment définissez-vous votre style?
Minimaliste et futuriste. J’apprécie autant le volet déconstructiviste que le volet organique. Cette architecture futuriste, je l’allie toujours avec un minimalisme strict en usant de très peu de matériaux. Je suis profondément inspiré par le travail de Zaha Hadid et de Norman Foster, qui sont selon moi des architectes qui ont marqué l’histoire. Je suis aussi très attentif aux notions de cohérence et d’implantation contextuelle. Je pense qu’il faut respecter la localité d’un projet et ne pas y intégrer des éléments hétérogènes, simplement parce que c’est joli ou parce qu’on l’a vu sur les réseaux.
Quelle place tient la durabilité dans votre démarche créative?
La notion de durabilité est à la base de toutes mes conceptions et de mes prescriptions. A mon sens, elle ne devrait plus être un volet ou une composante optionnelle dans un projet mais bien la source de toute conception.
Comment introduire au mieux les notions de durabilité et d’écologie dans les projets d’aujourd’hui?
Justement ce ne sont pas des notions à introduire dans un projet ou dans une conception, il doit véritablement s’agir du concept de départ. Lors du tracé, l’architecte et l’architecte d’intérieur devraient établir une seule logique, et s’y tenir afin d’obtenir une vraie cohérence. Concernant l’intégration de matériaux innovants dans les projets, il est certain qu’au niveau résidentiel, c’est plus difficile d’aller jusqu’au bout de la démarche. Le souci d’efficacité énergétique s’arrête souvent à la simple isolation mais il faudrait aller plus loin notamment avec l’usage de vitrages performants. Sur les projets commerciaux, cela commence à être plus facile de proposer une démarche plus accomplie en termes de durabilité.
Quels sont vos matériaux de prédilection?
Dans mes projets, je mise sur l’intemporalité donc je préfère m’éloigner des tendances et opter pour des matériaux minéraux ou bruts comme le marbre, la pierre, le corten. J’apprécie le verre pour sa neutralité, le béton et l’acier pour leur présence, le bois et le marbre pour leur texture. La toile est également un matériau innovant que je trouve fantastique car elle permet dans le cadre d’une réhabilitation de créer une double peau avec un effet avant-gardiste sur la façade d’un bâtiment ancien.
Quelle place tient le végétal dans vos projets?
C’est une composante primordiale pour chacun de mes projets, je l’intègre sous toutes ses formes. L’architecte doit communiquer avec l’environnement dans lesquels il veut implanter son bâtiment, il est essentiel de le comprendre et de communiquer avec lui. Je suis assez fan des concepts futuristes d’architecture de camouflage. Le bâtiment se fond littéralement dans le paysage.
Si vous n’aviez pas de contraintes, qu’aimeriez-vous construire?
Une architecture éphémère pour les espaces publics.