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Luxe

Michel Bernardaud :
«Il faut préserver les savoir-faire»

By juillet 4, 2016juillet 4th, 2024No Comments

Rencontré à Casablanca à l’occasion de l’inauguration de la boutique Fenêtre sur cour en mai dernier, Michel Bernardaud, président du directoire de la manufacture de porcelaine Bernardaud et représentant de la cinquième génération, nous explique comment il continue de développer une des dernières manufactures dont les capitaux demeurent aux mains de la famile fondatice, tout en veillant à respecter la philosophie de ses prédécesseurs.

 

Vous avez intégré la maison Bernardaud en 1979, à la demande de votre père. Aviez-vous envisagé un autre avenir professionnel ?
Mon père ne parlait jamais boutique à la maison. Je n’ai pas été élevé dans la perspective de reprendre l’entreprise familiale. Je connaissais très peu de choses de Bernardaud. Quand j’ai fini mes études, j’ai travaillé dans les Travaux publics. En 1979, mon père m’a demandé de le rejoindre. Je n’ai pas refusé.

Vous êtes le représentant de la cinquième génération, est-ce facile de marcher sur les traces de ses aïeux ?
C’est plus facile de développer quelque chose qui existe et qui marche. C’est plus facile que d’être fils de mineur…J’ai eu la chance d’avoir des générations avant moi qui ont bâti quelque chose. Je me suis attaché à développer quelque chose de substantiel. On était déjà leader dans le secteur de la porcelaine. J’ai tout à fait conscience d’être un privilégié.

Comment avez-vous apporté votre pierre à l’édifice ?
J’ai d’abord du apprendre l’entreprise. J’ai eu la chance de le faire aux côtés de mon père qui était un grand industriel. J’ai démarré tout de suite à la grande exportation qui comprenait tous les marchés en dehors de l’Europe. Il y avait des réseaux qui existaient. Les voyages n’étaient pas aussi faciles.
J’ai parcouru le monde, créé d’autres réseaux. Ce fut une expérience très enrichissante. Petit à petit, j’ai pris mes marques dans l’entreprise et des responsabilités de plus en plus étendues. Quand je me suis retrouvé aux manettes, j’étais tout seul.

En 2002 , vous avez créé la fondation d’entreprise Bernardaud. Quelle est sa mission ?
Je me sens héritier d’un certain nombre de traditions et de responsabilités. On s’inscrit dans l’histoire de la porcelaine de Limoges. Nous sommes une des dernières manufactures familiales dans le monde. Beaucoup d’entreprises ont disparu. Cette fondation a la vocation de mettre en avant la porcelaine comme médium de création artistique, mais aussi le travail des artistes qui travaillent sur la porcelaine. Elle a également un rôle de transmission des savoirs. L’intelligence de la main n’est par suffisamment valorisée. La fondation gère les visites, accueille des créateurs et des artistes pour faire des pièces uniques et organise une exposition annuelle qui voyage dans les différents musées du monde.

Qu’est-ce qui a changé dans les procédés de fabrication de la porcelaine ?
Une des grandes forces de notre société est d’être à la pointe et d’épouser toutes les innovations technologiques. Le mieux n’est pas toujours dans le passé. Quand on sait mâitriser les savoir-faire, la technologie permet d’améliorer les processus de fabrication. Nous, nous avons toujours réussi à faire les deux. On a également amélioré la qualité. Ce que nous produisons aujourd’hui est beaucoup plus exigeant que ce que nous pouvions faire il y a cent ans. Bravo le progrès !

Pour les 150 ans de la maison, vous avez invité une douzaine d’artistes. C’est une tradition chez vous de faire appel à des artistes et designers ?
C’est en effet une tradition depuis l’origine et à Limoges de manière générale. Il y a toujours eu une ouverture. On poursuit cette collaboration riche avec le monde de la création au sens large. Pour les 150 ans, nous voulions mettre l’accent sur ce lien très fort. On a demandé à douze artistes du monde entier (confirmés et non confirmés) de créer une assiette.

Comment vous différenciez-vous des autres procelainiers ?
Beaucoup ont fermé ou ont été absorbés. Nous, nous avons toujours gardé ce lien avec la création et nous n’avons jamais fait de compromis avec la qualité.
Les Meilleurs Ouvriers de France sont notre force. C’est quelque chose que j’encourage. Et ça fait partie de la reconnaissance de l’intelligence de la main. On fait beaucoup de formation en interne. Nous abritons de nombreuses petites corporations d’artisans. Une assiette passe par 40 mains. Il faut préserver les savoir-faire et veiller à ce qu’ils soient transmis. Nous devons assurer un rôle formateur car le vivier de la porcelaine s’est tari.

Quels sont vos liens avec le Maroc ?
J’ai un lien très spécial avec le Maroc car mon premier voyage d’affaires, en 1979, avait pour destination Casablanca….