Formée en architecture d’intérieur à l’Instituto Europeo di Design de Milan, Meryem Tazi a par la suite intégré le cabinet d’architecture de luxe Studio Colombo Milano pendant 2 ans avant de rentrer au Maroc. À son retour, elle décide de travailler à son compte en créant EMTI Design. Depuis 12 ans, avec ses équipes, elle exerce sur différents types de projets : résidentiels, restaurants, salons de coiffure, cliniques et même chalets.
Par : M.W.
Selon vous, quels sont les points clés à observer sur un projet de réhabilitation ou de construction en matière d’architecture d’intérieur?
Chaque projet est unique, puisque qu’il est apparenté à ses propriétaires. Cela dit, pour moi la manière dont la lumière se propage à travers les pièces va donner le ton et l’humeur de l’espace. Le sens de l’homogénéité indispensable à la réussite du projet sera quant à lui apporté par les transitions d’espaces et les différentes concordances en termes de couleurs et de matériaux.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre démarche créative?
À l’agence, notre but ultime est d’exaucer les rêves de nos clients. Nous pensons que le lieu d’habitation comme le lieu de travail de chacun doit être le reflet de sa personnalité.
De ce fait, il doit s’adapter aux habitudes du quotidien et non pas l’inverse. L’empreinte du designer sera toujours présente mais elle ne sera que secondaire. Plus précisément, notre objectif est de comprendre les besoins et les envies de nos clients afin de les guider pas à pas pour que leurs idées puissent se matérialiser au sein d’intérieurs harmonieux façonnés dans les moindres détails. Cela passe par une phase de découverte fondamentale. Elle me permet de faire connaissance avec mes clients et de m’imprégner de leurs goûts et de leurs passions. J’essaie aussi de me familiariser avec le déroulé de leur journée. Par exemple, il est important de savoir s’ils déjeunent au bureau ou à la maison, s’ils sont adeptes de lecture, s’ils dînent devant la TV…
Selon vous, qu’est-ce qui est le plus challengeant sur un projet?
Trouver l’équilibre entre l’ergonomie de l’espace et les désirs du client, tout en lui donnant l’assurance nécessaire pour prendre des risques et repousser ses limites. De plus, en tant qu’architecte d’intérieur, notre mission est de s’assurer que notre design est un miroir homogène avec le mode de vie du client d’où l’importance d’être à l’écoute et d’avoir un œil analytique.
Comment envisagez-vous la conciliation entre l’esthétisme et la fonctionnalité?
Le designer a beaucoup de chance – la beauté fait partie de son quotidien. Son œil est entraîné à «voir» le monde différemment et porter un regard aiguisé sur son environnement. De mon point de vue, la capacité à reconnaitre la beauté est la première faculté à maîtriser pour pouvoir la créer. J’essaie de la percevoir partout dans mon quotidien afin de la retranscrire dans mon travail avec beaucoup de respect et de dignité. Le propre du métier d’architecte d’intérieur est justement de tout observer avec un œil esthète mais également une perspective ergonomique. Une pièce réellement belle l’est bien avant d’être décorée. Les choix de volumétries, de matériaux et de lumière vont donner les fondements pour ensuite analyser la fonctionnalité de l’espace. Dans l’absolu, le design est un outil qui permet soit de solutionner la complexité d’un espace soit de refléter l’environnement qu’il occupe.
«Chaque projet est différent et chaque intérieur devra s’ajuster à son environnement, c’est pourquoi il est primordial d’être capable en tant qu’architecte de s’adapter à tous les styles.»
Les tendances et l’intemporalité?
Pour moi, l’intemporalité réside dans l’élégance qui elle-même découle de l’équilibre, la sérénité et la simplicité des matériaux et des couleurs. La création de designs qui perdurent dans le temps est essentielle est sera possible grâce à des solutions, des matériaux et des couleurs qui ont justement cette capacité de traverser les époques. Les tendances doivent quant à elles se greffer à cette philosophie afin d’aboutir à un projet intemporel. En réussissant le pari de mixer avec grâce l’intemporalité et les tendances, à travers le revêtement, le mobilier ou l’art, l’espace évoquera un voyage inoubliable dans le temps.
Quels sont vos astuces pour éviter l’effet showroom?
Selon moi, il est essentiel de créer un certain équilibre entre les formes en évitant les répétitions en termes de tailles et de matériaux. L’idée est de s’amuser en jouant sur des matériaux complémentaires mais différents de par leurs textures, chaleurs, ou couleurs. Par exemple, deux canapés d’un côté feront face à un salon arrondis; des tables gigognes accompagneront les premiers tandis qu’une table XXL agrémentera les seconds.
La durabilité est-elle une notion importante dans votre travail?
Indéniablement, la qualité est selon moi corrélée à la durabilité. Le choix des matériaux et les finitions des pièces de mobilier doivent leur permettre de perdurer dans le temps, et même de s’embellir en vieillissant. Je trouve qu’il y a une certaine poésie dans les meubles qui ont su résister au temps. Cette citation résume assez bien ma pensée : «Quality is remembered long after price is forgotten!»
Quels sont aujourd’hui vos coups de cœur en termes de matériaux et de tendances?
J’ai toujours eu un faible pour les matériaux d’autrefois. J’apprécie notamment le mélange de procédés ou de matériaux d’antan remis au goût du jour tels qu’un terrazzo revisité avec des copeaux de laiton, du marbre du Guatemala et de l’onyx, ou bien une tôle rouillée dans un coffrage de dalle saupoudrée de feuille d’or et recouverte de résine époxy. Je suis aussi une grande fan du béton dont le procédé de production apporte un rendu final plein de vie. C’est fascinant comme son aspect naturel fait office de maquillage biologique.
Quelle place accordez-vous à l’artisanat dans vos projets?
L’artisanat a une place fondamentale dans mes projets puisqu’il me permet de laisser libre cours à mon imagination. Je suis une amoureuse inconditionnelle des pièces sur-mesure avec une vraie empreinte humaine et j’ai la chance d’être accompagnée d’artisans talentueux qui ont un savoir-faire qui n’a rien à envier au reste du monde. Au fil de nos années de collaboration, une vraie confiance s’est installée entre nous ce qui nous a permis mutuellement de sortir de notre zone de confort et de réaliser des pièces uniques.
Pensez-vous que l’artisanat puisse se rapprocher de la notion d’art?
J’ai la forte conviction que les imperfections liées au travail manuel subliment l’objet et lui donnent cette unicité tant convoitée. Une empreinte de doigt de l’artisan-artiste aura à mon sens plus de valeur qu’une pièce produite en série à la machine. Afin de créer une maison singulière dans sa beauté, je tiens à choisir des pièces d’art dans toute leur originalité plutôt que des répliques vues et revues, du sur-mesure plutôt que du mass retail, des fibres naturelles plutôt que du synthétique, de la sérigraphie manuelle plutôt que du digital. En un mot, j’opte pour une vraie démarche artistique.
«Une pièce réellement belle l’est bien avant d’être décorée. Les choix de volumétries, de matériaux et de lumière vont donner les fondements pour ensuite analyser la fonctionnalité de l’espace.»
Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs pour maximiser les qualités de leur intérieur?
Pour moi l’essence d’un espace est d’être le reflet de ses utilisateurs, et ce, qu’il s’agisse d’une habitation ou d’un espace professionnel.
C’est le meilleur moyen de s’approprier l’espace est de s’y être réellement confortable afin d’y vivre ou d’y exercer ses activités sereinement. Qu’importe le faste du design, si cette condition n’est pas remplie, le projet est un échec car l’objectif n’a pas été atteint. Je conseille aussi d’intégrer un maximum de lumière naturelle.
Cette ressource accessible à tous apporte non seulement le confort visuel en sublimant les ambiances et les couleurs de l’environnement mais impacte positivement la consommation énergétique.
Avez-vous un rêve créatif?
La création d’un atelier ou laboratoire accessible aux artistes pour expérimenter et créer avec de nouveaux matériaux.