Architecte H.M.O.P diplômée de l’Ecole Nationale d’Architecture de Lyon et habilitée à la maîtrise d’œuvre en son nom propre, Mariam Ammor est une jeune entrepreneure qui mise sur une approche contemporaine et simple, sans effet de style. Traités avec soin, et ce, quelle que soit l’échelle du projet, la lumière, les perceptions et les cadrages contribuent à la création de volumes uniques idéalement articulés au sein de l’aménagement intérieur.
Par : Mélanie Wilms
L’architecture est-elle une vocation?
D’aussi loin que je me souvienne, l’architecture a toujours fait partie de moi. Je me suis toujours souciée de l’environnement dans lequel j’évoluais. Petite, lorsque mes parents ont construit leur première maison individuelle à Casablanca, l’architecture ne m’a pas laissé indifférente. A ce moment là, j’ai vraiment fait la rencontre de ce métier passionnant. Cette attraction, je ne me l’explique pas, je pense effectivement que cela relève de la vocation.
Pouvez-vous revenir en quelques mots sur votre parcours?
Après le bac, je me suis naturellement inscrite à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. J’ai eu la chance de pouvoir travailler pendant la fin de ma première année de master dans une agence d’architecture à Rio de Janeiro. A la fin de mes études, j’ai intégré l’agence Mounia Chaouni à Casablanca. Après avoir travaillé sur de nombreux grands projets, je me suis intéressée à l’habitat contemporain. Et cela ne m’a plus quitté.
Quelles sont les grandes étapes de votre carrière ?
Après l’obtention de mon diplôme d’état d’architecte, j’ai passé quelques années dans différentes agences d’architecture, ce qui m’a permis d’acquérir de l’expérience et les connaissances techniques primordiales à la bonne réalisation d’un projet. Au fil du temps, j’ai ressenti le besoin d’aiguiser «mes propres lignes de conception» ; celle qui caractérisent vraiment mes projets. Ainsi, pour pouvoir m’exprimer pleinement, la fondation de ma propre agence d’architecture s’est imposée comme une évidence. Je l’ai baptisée : Lignes de Mir ; Mir étant mon surnom depuis toujours !
Qu’est-ce que vous préférez dans votre métier? Quelles en sont les principales difficultés ?
Ce que j’apprécie c’est le perpétuel processus de conception! Et, comme la technique fait partie à part entière de la création, ce métier est vraiment passionnant. Par contre, travaillant quasi exclusivement sur des projets d’habitation et de tertiaires, le métier est assez complexe. Chaque projet est différent. Lorsque la technique, le sens et la création se situent sur un point d’équilibre, sans qu’aucun d’eux ne perdent en qualité, on y trouve beaucoup de satisfaction mais cela demeure très entêtant.
Comment définissez-vous votre style?
Je m’inscris dans un courant d’architecture baptisé l’architecture silencieuse, c’est-à-dire que l’architecture exprime sa fonction par sa morphologie. Mon style, je peux le qualifier de monolithe, rugueux, épais, fragile et générant des tensions entre les masses. Je privilégie également une approche mono matériaux. Par exemple, si j’opte pour un type de pierre sur un projet, elle sera déclinée en différentes finitions (striée, brillante, mat). Sur les façades, je suis également attentive à casser le coté brutaliste avec de grandes hauteurs vitrées qui viennent apporter une certaine légèreté et transparence à l’ensemble. Je peux également opter pour des éléments «fragiles» notamment en porte-à-faux, qui eux aussi cassent le coté très solide, très rugueux du projet.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Les lignes sont pour moi une grande source d’inspiration. Baptisé Ligne de Mir, mon studio a d’ailleurs pour slogan : Une ligne émerge, file et fuit. Une autre se dessine, puis s’en suit une multitude. Toutes se déplacent, se croisent, se séparent puis se rejoignent jusqu’à créer un espace.
Avez-vous des modèles en architecture? Des personnes qui ont guidé le cours de votre carrière ou impacté votre façon de concevoir?
Alvar Aalto et Alvaro Siza car leur sens du détail m’a toujours marqué. Leur approche de la création et de la conception m’a beaucoup apporté.
Quelles sont vos principales préoccupations lors de la conception d’un projet?
Sans effet de style mon approche se veut contemporaine et simple. La lumière, les perceptions et les cadrages sont autant d’éléments traités avec soin sur chaque projet quelle que soit son échelle.
Pouvez-vous définir en quelques mots l’importance de la matérialité en architecture?
Dès le début. Dès les premiers traits. C’est un tout. Le matériau et la forme doivent avoir du sens dans l’architecture. Ils appuient les proportions, les fonctions et surtout, le type de sensualité désirée.
Concrètement, en fonction du sentiment que l’espace doit exprimer, on va opter pour un type de matériau : la froideur avec du marbre, de la chaleur avec du bois.
Selon vous, quelles sont les typologies de logements du futur (long et moyen terme)?
La revalorisation de l’habitat sur cours en y faisant un outil de qualification de l’art de vivre. J’ai d’ailleurs opté pour l’étude de cette thématique pour mon travail de fin d’étude. L’intériorité, la sécurité et le vivre ensemble sont pour moi des composantes essentielles. J’ai été amenée à travailler sur des projets de logement dans lequel je suis amenée à concevoir des habitats sur cour. J’ai pu observer que les promoteurs font de cette cour un simple espace de passage et un apport de lumière. A mon sens, il est essentiel de transformer ces cours en réel espaces de vie (mobilier de jardin, plantations, interconnexions, sol travaillé). Au vu de l’actualité du confinement, de l’insécurité, je pense que nous, architectes, nous devons les revaloriser, afin d’en faire de véritables compléments à l’espace intérieur et un lieu de sociabilité entre les voisins.
Quelle place tient la réhabilitation du patrimoine bâti et des zones en friches dans votre travail?
J’ai hâte d’avoir l’occasion de laisser mon empreinte dans ce domaine. Je trouve la réhabilitation très stimulante en particulier celle des friches industrielles. Je voudrais pouvoir y concevoir des logements contemporains où il fait bon vivre.
Est-ce que la durabilité fait partie intégrante de votre démarche créative?
Selon le programme et dans la mesure du possible, nous tentons d’avoir pour cible un équilibre énergétique positif.
Quels sont vos matériaux de prédilection ?
Le béton brut de décoffrage pour la recherche de plus d’expressivité et pour ses qualités esthétiques insoupçonnées !
Si vous n’aviez pas de contraintes, qu’aimeriez-vous construire?
Une prison moderne dont l’architecture et les aménagements prendraient en considération la psychologie des prisonniers. En fait, lors des études à Lyon, j’ai eu la chance de travailler sur un workshop où nous avons travaillé sur la réhabilitation d’une prison lyonnaise et j’ai trouvé cela passionnant.