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Luxe

Le Crillon se réinvente sans se renier

By juillet 16, 2018septembre 4th, 2024No Comments

Après quatre ans de travaux pharaoniques menés par Bouygues Construction, le mythique palace de la place de la Concorde, propriété d’un prince saoudien, a enfin rouvert ses portes. Nous avons visité ce véritable joyau de l’art décoratif à la française, mêlant faste d’antan et décoration contemporaine.

Photos : Hôtel Crillon

 

Ce sublime lieu de 17 000 m2, avec vue imprenable sur l’obélisque, les Tuileries et l’Assemblée Nationale, a été entièrement repensé par une «dream team» orchestrée par l’architecte libanaise et directrice artistique du projet Aline Asmar d’Amman, et composée de l’architecte Richard Martinet (spécialiste des Édifices historiques), des architectes d’intérieur Chahan Minassian, Cyril Vergniol et Tristan Auer, du couturier Karl Lagerfeld et du paysagiste Louis Benech. Ensemble, il ont écrit une autre histoire, fait entrer le Crillon dans le XXIe siècle, tout en respectant son vécu.

Un hôtel étroitement lié à l’histoire de France
L’hôtel d’Aumont bâti en 1763 par Louis-François Trouard (qui a conservé les façades commandés à Jacques-Ange Gabriel par Louis XV en 1759), a vu défiler un grand nombre de personnages illustres, de Marie-Antoinette qui y prenait des cours de piano, au duc de Crillon qui en fit l’acquisition en 1788 et lui donna son nom. Il devint hôtel pour les voyageurs avant d’être acheté par la Société des grands magasins et des hôtels du Louvre en 1906. A partir de 1909, Le Crillon accueillit aristocrates, familles royales, délégations officielles. Des accords y furent signés (pacte de la Société des Nations Unies en 1919, déclaration des droits de l’homme en 1948), des rencontres discrètes y furent organisées. Puis vinrent les stars du show-biz, Douglas Faibanks, Isodara Duncan, Charlie Chaplin,… En Juin 1940, l’hôtel fut investi par les Allemands qui en firent le siège de leur commandement militaire. Après la guerre, les stars revinrent, d’Orson Welles (qui a donné son nom à une suite) à Andy Warhol, en passant par Luciano Pavarotti, Mickael Jackson ou Madona. Les Taittinger, qui achetèrent Le Crillon au début des années 80, en confièrent la modernisation à la styliste Sonia Rykiel et au sculpteur César. Après avoir changé plusieurs fois de mains, il a été vendu en 2010 au prince saoudien Mutaib Ben Abdullah Ben Abdulaziz pour la bagatelle de 250 millions d’euros.

L’écriture d’une nouvelle histoire
Ce dernier a décidé de le rénover entièrement. Pour ne pas rester figer dans ce riche passé, architecte et décorateurs d’intérieur ont agi sur les volumes en concevant un lobby plus grand et des chambres plus spacieuses (124 au lieu de 147 avant les travaux), en faisant entrer la lumière partout, en redonnant une unité spatiale forte au rez-de-chaussée, et une lisibilité des circulations qui faisait défaut.
Les salons du premier étage classés Monuments Historiques en 1964 ont été conservés mais retravaillés par Benoît Maffre, architecte du patrimoine. Un bar a été installé dans le Salon des Ambassadeurs qui abritait autrefois le restaurant. Deux restaurants ont été crées, un gastronomique, l’Ecrin, dans un esprit intimiste, et la Brasserie d’Aumont, moins formelle. L’hôtel s’est également doté d’un espace pour les hommes avec barbier et «sublimeur de souliers», d’un fumoir à cigares avec un magnifique plafond en feuilles de papyrus, d’un spa et d’une piscine de 14 mètres de long au sous-sol, creusé à cet effet. Quant à la cour Gabriel, elle a été végétalisée pour offrir un havre de paix et de verdure en plein coeur de Paris, en prolongement du jardin d’hiver où l’on peut déguster les très graphiques pâtisseries du chef Jérôme Chaucesse, (Meilleur Ouvrier de France 2015).
Façades, fenêtres, toitures, parquets, tout à été refait dans l’esprit du XVIIIe siècle. Près de 150 artisans (marbriers, tapissiers, ébénistes, doreurs à la feuille d’or,…) ont oeuvré à la renaissance de ce bijou architectural. Certains métiers d’art ont même du être relancés, parmi eux un spécialiste du verre ciselé à la roue ou un ferronnier qui a restauré les grilles des ascenseurs. Tristan Auer a révisité les espaces publics (entrée, lobby escaliers, brasserie, bar à cognac, espace barbier, cour Gabriel…) tandis que Chahan Minassian était en charge du jardin d’hiver, du spa et de sa piscine (avec son sublime sol en pâte de verre tapissée de feuilles d’or), du restaurant gastronomique et du bar aux plafonds, marbres et fresques classés.
Cyril Vergnol s’est vu confier les chambres dans lesquelles il a sublimé les boiseries d’inspiration Louis XVI. Karl Lagerfeld, grand passionné du XVIIIe siècle, a livré sa vision du chic à la française et de la modernité dans les deux Grands Appartements et la plus petite chambre de l’hôtel, «Choupette», un clin d’oeil à sa chatte. Lui aussi a fait appel aux savoir-faire de grands artisans et artistes, de Christophe Martin qui a créé les peintures des murs et des plafonds, à la maison Pinton qui a réalisé les tapis dont les dessins s’inspirent de la Manufacture des Gobelins.

Un luxe sans limites
Le Crillon qui vise le grade de palace, n’a pas lésiné sur les moyens. Le luxe se niche partout, dans les 17 600 écailles formant la mosaïque de la piscine du spa, dans le cuir gainé des machines Nespresso, dans l’argent des couverts Christofle ou la transparence de la porcelaine Havilland, dans les photographies en noir et blanc de Karl Lagerfeld, dans le service Majordome affilié à chaque chambre, dans le menu en douze séquences du chef Christopher Hahe, dans les 150 crus du bar à Cognac…
Le prix à payer pour séjourner au Crillon ? De 1200 euros à…25 000 euros si vous décidez de réserver la suite Bernstein et sa terrasse offrant une vue imprenable sur la place de la Concorde.
Pour goûter au luxe du cinq étoiles, rien ne vous empêche d’aller déguster un cocktail au bar des Ambassadeurs ou d’offrir à votre sac griffé ou à vos souliers un glaçage au cognac Delamain, réalisé par les artisans de Devoirdecourt.
Le luxe jusqu’au bout des doigts…