
À Casablanca, la Villa Carl Ficke entame un nouveau chapitre. Transformée en Musée de la Mémoire, elle rassemble récits oubliés, gestes architecturaux préservés et regards contemporains.
Un lieu-pivot, entre transmission silencieuse et ancrage urbain, dans une ville en mouvement.
Aujourd’hui, ce lieu chargé d’histoires s’ouvre au public sous une nouvelle identité, pensée pour accueillir expositions, événements culturels et explorations patrimoniales. À l’intérieur, le parcours muséal propose une traversée de la mémoire casablancaise, depuis les premières installations humaines jusqu’à la fondation de Dar El Baida. Six grands volets structurent la visite : sculpture, histoire, archéologie du bâtiment, mémoire du lieu, urbanisme du XXe siècle, et héritage artistique à travers l’École de Casablanca.
À l’extérieur, l’esplanade s’ouvre sur une installation en plein air. Pour son inauguration, le musée accueille les œuvres puissantes de l’artiste marocaine Ikram Kabbaj, sculptées dans le marbre et la pierre. Formes brutes ou taillées, masses imposantes et textures sensibles, ses pièces imposent une présence physique forte, entre nature maîtrisée et énergie contenue.
Salima, architecte engagée, qui a refusé toute intervention décorative ou artificielle. Son approche privilégie la lecture exacte des matériaux — murs en pierre, sols en béton maigre, structures en acier IPN — et le respect des procédés constructifs d’époque. L’intervention a été pensée pour révéler plutôt que transformer. “Préserver, ce n’est pas figer ; c’est restituer ce qui fait sens”, affirme-t-elle.
La Villa Carl Ficke ne cherche ni l’effet, ni la nostalgie. Elle s’inscrit dans le réel, avec sobriété. Restaurée sans emphase, pensée comme un lieu de circulation entre les temps, elle offre à Casablanca un point d’ancrage. Ici, l’histoire n’est pas figée derrière les vitrines. Elle s’écoute, se traverse, se réactive. Dans une ville en perpétuelle tension entre vitesse et effacement, ce musée fait figure de respiration.
M. Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication a présidé la cérémonie de lancement du Musée de la Mémoire de Casablanca en compagnie de Mme Nabila Rmili maire de Casablanca et Mr Mehdi QOTBI président de la Fondation Nationale des Musées
3 questions à
Salima Naji,
Architecte et anthropologue marocaine
Quels défis majeurs avez-vous rencontrés lors de la réhabilitation de cette villa emblématique ?
Le principal défi était de conserver l’authenticité tout en transformant la villa en espace muséal, avec un respect rigoureux des matériaux et procédés constructifs originaux tels que les murs épais en pierre et les sols en béton maigre, afin de valoriser la mémoire du lieu.
Pourquoi cette villa constitue-t-elle un « maillon manquant » dans l’évolution architecturale de Casablanca ?
Elle symbolise précisément la transition entre les architectures traditionnelles héritées de la Médina et les premières constructions influencées par la période coloniale. Sa façade néo-classique ponctuée de touches Art Nouveau constitue un rare témoignage de cette période intermédiaire.
Quelle est votre vision du patrimoine architectural face aux pressions immobilières actuelles à Casablanca ?
Il est essentiel de sensibiliser à la valeur historique et culturelle du patrimoine, face aux pressions immobilières actuelles. Préserver ces architectures uniques grâce à des restaurations fidèles et respectueuses offre à Casablanca une mémoire vivante et une identité urbaine forte.