© Joana Choumali
Issa Diabaté forme, avec Guillaume Koffi, le cabinet star de Côte d’Ivoire Koffi & Diabaté Architectes. Ensemble, ils ont signé, entre autres, les sièges de Bridge Bank et de Versus Bank, la mosquée du Plateau et le très écolo hôtel Onomo. Ils participent au développement de la baie de Cocody ainsi qu’à une éco-cité durable à Assinie, en bord de lagune. Designer, il a également collaboré avec Ikea sur la collection Överalt. Rencontre avec un concepteur passionné et engagé.
«Pour moi, surtout dans nos pays, il est important de s’inspirer de notre environnement direct, de notre quotidien, de notre sociologie… pour composer quelque chose de nouveau.»
On vous connaît surtout comme architecte. Le design est-il, selon vous, un prolongement naturel de votre travail d’architecte?
C’est effectivement un prolongement dans le sens où j’utilise les mêmes ingrédients : tout ce qui touche à la sociologie, l’esprit du lieu, etc. forgent mon travail créatif, en architecture tant qu’en design. Le design est vraiment une passion, au même titre que l’architecture. Pour moi, il n’y a pas, d’ailleurs, de grande différence entre les deux. Le mot design signifie conception. Qu’il s’agisse d’une maison, d’un meuble, d’un écosystème… on conçoit. C’est aussi un domaine d’expérimentation. Ce que je peux tester à l’échelle d’un meuble est plus ou moins la même chose que ce que je vais tester à l’échelle d’une maison, sauf que, sur du mobilier, c’est nettement plus facile et le process moins coûteux! On peut alors exercer son esprit dans la conception du mobilier pour créer des choses relativement bon marché, ce qu’il n’est pas possible de réaliser dans la conception d’une maison. Et à partir du moment où l’on rentre dans la conception, on touche obligatoirement à la transformation du quotidien.
Qu’est-ce qui fait la spécificité du design africain?
Sa caractéristique première est d’apporter des solutions pertinentes dans nos quotidiens. En Occident, le designer se concentre davantage sur l’objet en lui-même. Chez nous, le processus de réflexion s’attache à redéfinir, réinventer notre environnement et surtout solutionner des préoccupations du quotidien. Les notions de coût et de facilité de fabrication sont particulièrement importantes pour offrir des solutions pertinentes.
Est-il porteur de propositions universelles?
Je pense que la seule façon pour le design africain de pouvoir s’imposer sur la plateforme internationale, c’est d’être porteur de solutions qui touchent tout le monde et qui puissent même être récupérées pour bâtir d’autres propositions. De sorte que ce qui est fait en Afrique ait de l’impact au Japon ou en Occident, de la même façon que les créations occidentales ont de l’impact en Afrique.
Y a-t-il une pièce de mobilier qui vous intéresse particulièrement?
J’ai un attachement particulier à la chaise. Je pense que c’est un élément de mobilier emblématique. Ce n’est pas pour rien si tous les grands architectes et les grands designers ont travaillé la chaise. C’est un objet simple mais au final assez complexe dans sa forme, sa hauteur, sa position. La chaise de salle à manger est assez différente de la «lounge chair» où l’on est dans une position couchée, plus relax. Ce qui est intéressant avec la chaise, c’est qu’elle impose une attitude. De là vient, sans doute, mon intérêt pour cet élément.
Qu’est-ce qui caractérise la chaise réalisée en partenariat avec Ikea?
Par son côté simple et démontable, cette chaise caractérise le vécu d’aujourd’hui. Quand on doit se déplacer, le fait de pouvoir mettre sa chaise à plat, l’empaqueter, la remonter en moins de 30 secondes sans utiliser ni de vis, ni de colle, c’est extrêmement important. Pour moi, il est primordial que le design ait un lien avec les problématiques du moment.
La question environnementale est-elle présente dans toutes vos créations?
Je pense que la question environnementale implique toutes les créations aujourd’hui. A mon sens, on ne devrait plus parler de «question environnementale» parce que toute question doit être de facto environnementale. C’est un peu comme le bio. Difficile pour moi de concevoir que l’on puisse avoir de la nourriture «bio» et «pas bio», ce qui impliquerait qu’on s’autorise à s’empoisonner!