Pour sa première édition 2019, Maison et Objet a, une nouvelle fois, confié les rênes de son très attendu Trend Forum à Vincent Grégoire, directeur de création chez NellyRodi, célèbre bureau parisien de conseil en style et innovation. Lors de notre visite, nous sommes partis à sa rencontre afin qu’il nous en dise un peu plus sur sa démarche alliant clin d’œil humoristique et éloge à l’exception française.
Quels sont les questionnements soulevés par «Excuse my French!»?
A travers cette exposition, je voulais vraiment mettre en évidence ce revers à l’uniformisation et la mondialisation qui s’est mis en marche depuis quelques temps. Le consommateur manifeste désormais qu’il a besoin d’autre chose, qu’il veut être surpris par son univers déco. Je voulais surtout interpeller le visiteur quant à la quête identitaire qui a saisi le monde aujourd’hui.
Qui sommes-nous? Qu’est-ce qui fait notre particularité? Qu’importe leur origine, beaucoup de personnes et de marques se posent ces questions. Bien plus que par le passé, les marques ont besoin de savoir d’où elles viennent pour définir leur singulier et savoir où elles doivent et veulent aller.
Pouvez-vous revenir en quelques mots sur la scénographie du trend Forum?
Je me suis amusé à reprendre la liste de talents français qui font le buzz à l’étranger et je me suis interrogé sur ce qu’ils avaient en commun, ce qui faisait qu’ils plaisaient tant. Je me suis également penché sur les clichés qui ressortent le plus souvent quand on évoque la France.
Avec cet «Excuse my French!», j’ai aussi mis en évidence cet art du paradoxe et cet esprit de contradiction qui font toute la spécificité française en proposant de réconcilier les contraires aux travers de quatre pistes d’interprétation : Petites Maisons, Nouvelle Vague, French Tech et Classic with a Twist.
Comment expliquer le revirement observé par rapport au design scandinave?
Nous nous inscrivons dans une société du spectacle qui adore le changement, et plus encore la jeune génération. «Ce je ne sais quoi» qui vient bousculer les codes, c’est ce que recherche aujourd’hui le consommateur! Si c’est trop consensuel ou trop dans le mono-produit, il finit par s’ennuyer. Il est en demande de dissonances, de petites surprises, et de gens qui osent le décalage, qui sont dans l’impertinence et l’esprit canaille, tout en préservant le raffinement. Aujourd’hui, les règles du jeu ont changé! Le consommateur en a assez qu’on lui dicte ce qui est de bon goût et ce qu’il ne l’est pas. Selon moi, il n’y a pas de bon ou de mauvais goût.
Justement, auriez-vous un conseil déco à donner à nos lecteurs?
L’important c’est de donner du goût justement! Il n’y a, à mon sens, rien de pire que les décorations qui ne nous ressemblent pas, qui nous donnent l’impression de vivre chez quelqu’un d’autre ou dans le showroom du décorateur du moment. On a le droit de faire des erreurs en déco, ce n’est pas grave. Bien au contraire, ce sont les petits accidents qui sont vachement sympas et qui permettent de ne pas s’ennuyer. On n’a pas toujours besoin d’avoir de gros moyens pour s’offrir une déco qui nous corresponde vraiment. On n’est pas obligé de se débarrasser de son mobilier un peu strict, on peut plutôt tenter de le repeindre ou de décaler avec des accessoires de caractère ou personnalisés. Mon conseil est d’avoir confiance en soi! Au pire, on commence par des choses qui ne portent pas à conséquence et qui ne sont pas trop coûteuses comme opter pour une couleur franche sur un mur ou remplacer les coussins du canapé.
La tendance est-elle au fun?
Un fun précieux, oui! On a envie de surprises et de décalage comme on veut avoir des éléments décoratifs de qualité faits avec de beaux matériaux qui sont durables et dotés d’un vrai savoir-faire. Les gens en ont marre de la «fast» décoration, de ces objets pas chers qui, à terme, nourrissent la poubelle et encouragent à l’exploitation de gens à l’autre bout du monde. Idem pour le très cher qui se moque un peu de nous aussi. La valeur est souvent un peu exagérée vis-à-vis du bénéfice retiré. Le consommateur veut retrouver un beau moyen de gamme qui a une personnalité et qui raconte des histoires! Je résumerais cela par «Le moins mais mieux!» avec, pour mots d’ordre : «Etonnez-moi» et «Faites-moi du bien».