fbpx Skip to main content
Architectes & DécorateursLuxe

EMMANUEL GALLINA «Il faut épurer la forme pour arriver à l’essence même de l’objet»

By avril 17, 2024mai 17th, 2024No Comments

Élégance, confort et essentialité : tels sont les maîtres mots qui caractérisent le mieux le travail d’Emmanuel Gallina. Au sein de sa propre agence, le designer s’attache à mener de nombreux projets, principalement entre l’Italie et la France, et entretient des liaisons durables et fructueuses avec des marques internationales réellement modernes telles que Poliform. Entretien.

 

Être designer, cela s’apprend, où faut-il la vocation et le talent ?
Il y a chez moi une passion pour le dessin et la création depuis l’enfance. J’ai eu aussi la chance d’avoir un grand-père couturier. J’adorais aller dans son atelier, où il dessinait ses patrons. Et puis, mon père faisait de la peinture, j’ai donc grandi dans un milieu plutôt enclin à la création. Moi-même, j’ai toujours dessiné, construit des objets, depuis tout petit. Pour moi, l’orientation a été assez naturelle, et j’ai donc intégré l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Limoges, juste après le baccalauréat. Quant au talent, il en faut bien sûr, mais pour le design, cela ne suffit pas, car le métier requiert une très grande part d’expérience, de vécu et de connaissances dans de nombreux domaines, y compris le marketing, la connaissance du marché ou la notion d’identité de marque.

Pour définir votre travail, vous citez Constantin Brancusi : «la simplicité comme une complexité résolue».
Est-ce votre vision du design ?
Brancusi est un sculpteur d’origine roumaine ayant vécu à Paris au début du siècle dernier. J’aime cette citation pour sa référence à la notion d’essentialité à laquelle je me réfère aussi assez naturellement. L’idée est qu’il faut épurer la forme pour arriver à l’essence même de l’objet. Lorsque l’on aborde certains projets, mon approche et ma vision est toujours d’épurer, de supprimer les signes inutiles, pour proposer un produit qui soit totalement dans l’essentialité.

C’est un peu la tendance actuelle d’aller vers plus de pureté ?
Personnellement, je n’aime pas le mot «tendance». Je ne m’inscris pas du tout dans cette approche du design où l’on va surfer sur les modes du moment. Au contraire, je reste sur l’idée d’aller toujours à l’essentialité, d’avoir des références historiques, qui s’inscrivent dans une certaine intemporalité pour créer des produits qui puissent durer dans le temps et qui ne risquent pas de se démoder au bout de deux ou trois ans. C’est aussi une question de responsabilité, pour la société et pour l’environnement, chose très importante pour des marques comme Poliform avec lesquelles je collabore. Un bon designer n’est pas là pour suivre les tendances, il est là pour les créer.

Comment votre technique évolue-t-elle avec le temps ?
Les technologies évoluent, ce qui nous permet de travailler toujours plus précisément, avec des challenges spécifiques, comme pour la collection Curl de Poliform, où il y a un travail dans les structures de bois absolument incroyable. On est quasiment dans l’orfèvrerie de l’ébénisterie. On voit comment on peut évoluer année après année dans la finition, dans les matériaux, la finesse des matières que l’on va pousser à l’extrême, et apporter de l’innovation dans la qualité des détails. Je pense aussi à la table Henri avec sa structure élégante en bois supportant un imposant plateau de marbre. Il faut de la technicité très pointue pour parvenir à conjuguer équilibre, fonctionnalité et élégance.

Effet zoom pour illustrer la délicatesse qui émane de la dentelle du corail fossilisé. Une impression d’incrustation judicieusement créée en jouant sur les variations d’épaisseurs et de couleurs de fils. Un pattern à la fois organique et minéral qui témoigne encore une fois combien la Nature est une source d’inspiration intarissable.

Vous avez le souci du détail. Vos créations privilégient-elles leur côté fonctionnel ou plutôt esthétique ?
Pour moi, l’aspect fonctionnel est prioritaire. Il est fondamental qu’une chaise soit confortable. Un siège qui ne serait pas confortable est pour moi un design raté. Dans mon approche créative, il me faut résoudre cette équation entre l’esthétique, l’ergonomie, la résistance des matériaux, etc. En tant que designer, je me dois d’amener des solutions pour tous ces paramètres. Au niveau de l’esthétique, j’aurais aussi tendance à privilégier la notion de confort visuel en amenant de la douceur dans les formes. Particulièrement dans l’époque que nous vivons, avec ces actualités qui nous agressent au quotidien, nous avons besoin d’intérieurs relaxants, avec de beaux mobiliers qui amènent aussi ce confort visuel et cette atmosphère de bien-être.

Parmi vos pièces signature, quelle serait celle qui vous définit le mieux ?
Au début de notre collaboration avec Poliform, nous avons lancé un ensemble de tables et de chaises, devenues des best-sellers, qui représentent parfaitement mon approche du design et qui étaient réellement en rupture au moment de leur conception, avec cette idée d’intemporalité et de formes douces. Il s’agit notamment de la chaise Grace et de la table Concorde – cela remonte à 2009 – qui ont eu un succès immédiat, grâce à leurs courbes tendues, leur confort, leurs matières nobles travaillées avec raffinement, et qui restent encore actuelles aujourd’hui.

Les marques avec lesquelles vous collaborez vous laissent-elles carte blanche ? Comment se construit une relation avec une marque ?
Cet aspect relationnel est fondamental dans notre métier, ainsi que la notion de confiance. C’est la raison pour laquelle je préfère travailler dans le long terme avec les marques, car cela permet justement de construire une relation où plus on dialogue, plus l’échange est constructif, et plus cela sera facile pour moi de répondre à leurs besoins et d’amener mes intuitions. Tout cela se retrouvera forcément dans les créations et le travail réalisé ensemble.

Au Maroc, nous connaissons votre travail à travers Poliform, représenté ici par Interlux. Comment imaginez-vous que votre design est accueilli dans les différentes régions du monde ?
On se connaît tellement bien à présent que le dialogue est franc et pérennel. C’est une marque parfaite pour l’international, car nous concevons des produits qui sont capables de fonctionner dans toutes les cultures. Poliform représente une certaine élégance à la française, très recherchée dans le monde entier. La plupart de ses collections fonctionnent au Moyen-Orient, comme en Allemagne, aux États-Unis ou au Maroc.

Vous êtes aussi professeur et conseiller en stratégie marketing et identité liées au design. Enseignez-vous à ce titre un certain universalisme du design contemporain ?
Bien qu’ayant arrêté l’enseignement, faute de temps, j’ai longtemps enseigné au Politecnico de Milan, l’une des meilleures universités au monde, où j’ai énormément puisé dans toute l’énergie positive des échanges avec les jeunes générations. Je poursuis cette transmission de notre beau métier à travers des conférences et des workshops en écoles de design et en universités.

@emmanuelgallinadesignoffice