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Lieux Gourmands

Dar al Dall
Une allégorie architecturale
de la mémoire et de la modernité

By mars 6, 2025No Comments

Dans les méandres du quartier historique de Kaat Benahid à Marrakech, conçu pat Trab design, Dar al Dall, ou « la maison des ombres », s’érige en manifeste silencieux d’une réflexion sur le patrimoine, où l’espace construit devient une médiation entre permanence et relecture contemporaine. Une restauration, ici, ne se borne pas à l’exercice artisanal : elle s’élève à l’échelle d’un geste philosophique.

Photos Marcela Grassi

@trabdesign
@staythistimetomorrow

 

Dar al Dall transcende la simple conservation patrimoniale pour devenir un palimpseste où matériaux et volumes portent en lui l’empreinte d’un dialogue entre les âges. La collaboration entre TrabDesign, studio d’architecture basé à Marrakech, et Recdi8, bureau de design barcelonais, dépasse ainsi les contingences esthétiques pour questionner la fonction même de l’héritage.

Les matériaux – zellige, plâtre sculpté, bois ciselé – ne sont pas ici de simples ornements. Leur sélection et leur usage relèvent d’une pensée systémique, où la matière vernaculaire est non seulement préservée mais réinterprétée. Cette abstraction intentionnelle, où les motifs sont dépouillés de leur référentialité traditionnelle, convoque une lecture nouvelle, presque conceptuelle, de l’artisanat marocain.

Dar al Dall, plus qu’une maison restaurée, s’impose comme une pensée incarnée, un récit spatial de l’éternelle tension entre mémoire et modernité

L’espace comme métaphore : entre géométrie sacrée et innovation discrète
Le patio central, lieu d’articulation des fonctions de la demeure, révèle une mise en tension subtile entre les canons symétriques de la tradition islamique et l’introduction de ruptures contemporaines. Les quatre secteurs du jardin, délimités par les axes orthogonaux classiques, intègrent harmonieusement deux palmiers existants et deux nouveaux, dans un geste qui transcende la simple plantation pour atteindre une poétique de l’enracinement.

Les suites, chacune conçue comme un espace autonome intégrant salon, cheminée et salle d’eau, ne se contentent pas d’offrir le confort moderne. Elles incarnent une philosophie de l’intime, où chaque détail – des fresques restaurées à l’insertion imperceptible de motifs contemporains dans le plâtre sculpté – porte en lui une réflexion sur l’interaction entre les usages et l’esthétique.

Les détails invisibles : une dialectique de l’apparition et du retrait
Au-delà de la matérialité visible, Dar al Dall déploie un jeu subtil de motifs et de textures qui échappent souvent à une perception immédiate. Les murs, par exemple, ne se contentent pas de délimiter : ils prolongent, à travers des systèmes décoratifs continus (zelliges, bois sculpté, miroirs), une idée d’infini spatial. Ce soin extrême porté à l’unité de chaque surface, à l’absence de ruptures dans le motif, traduit une pensée qui dépasse la simple fonctionnalité pour atteindre une forme d’ontologie décorative.

Une lecture plurielle : entre continuité et dépassement
Dar al Dall interroge en profondeur la relation entre tradition et modernité, non pas en les opposant, mais en les juxtaposant dans une dialectique féconde. Chaque espace – du salon à la terrasse, du spa aux suites – devient un microcosme où se rejoue la tension entre conservation et invention.
Ce projet ne se veut pas un hommage figé au passé, mais une allégorie de l’architecture comme discipline vivante, où chaque ombre porte en elle la promesse d’une lumière nouvelle. Ainsi, Dar al Dall, plus qu’une maison restaurée, s’impose comme une pensée incarnée, un récit spatial de l’éternelle tension entre mémoire et modernité.