Directrice générale de Moissonnier depuis 2009, Christine Duval nous dit tout sur la manufacture bressane née en 1885 : les raisons de son succès, l’importance du sur-mesure, les exigences de sa clientèle internationale…
Qu’est-ce qui fait le succès de Moissonnier alors que beaucoup d’ébénisteries ont fermé ?
Nous avons repris l’entreprise dans le cadre d’une transmission familiale, il y a cinq ans. On a conservé l’ADN de la marque tout en développant l’audace créative. Aujourd’hi, Moissonnier, c’est un juste équilibre entre le passé et le présent et la transmission. Nous faisons beaucoup de sur-mesure. Les clients peuvent choisir les patines, le bois, le bronze, les dimensions. Tout est possible. On peut faire des canapés et des tables XXL…. On doit aussi notre réussite à notre capacité à nous renouveler. Quand on sort la commode Jungle par explemple, nous sommes là où on ne nous attend pas. Notre entreprise est à la croisée des chemins entre ébénisterie et haute couture. Nous faisons des choix très couture.
Toute notre production est fabriquée dans nos ateliers de Bourg-en-Bresse. C’est aussi une des raisons de notre succès auprès d’une clientèle qui vient chercher le luxe à la française. Ca nous permet aussi la flexibilité.
Nous nous distinguons aussi par le service. On va à la rencontre des clients, on est à leur écoute. Nous avons un bureau d’études qui travaille avec les architectes. On nous demande de gérer des projets dans leur globalité avec les architectes d’intérieur. En ce moment, nous faisons une brasserie française à Bakou par exemple.
Vous avez le titre d’entreprise du patrimoine vivant, qu’est ce que cela signifie ?
C’est un label décerné aux entreprises qui ont un héritage en matière de savoir-faire et une maîtrise complète de ces savoir-faire, ce qui nous permet d’être réactifs. La création est aussi importante. Il y a un patrimoine, mais il est vivant. Il y a une énergie de la création. On peut tout copier ici, mais pas l’âme de la maison.
Vous réalisez 90% de votre chiffre d’affaires en dehors de la France, qui sont vos principaux clients ?
Nous touchons une clientèle qui cherche l’art de vivre à la française. Elle se trouve essentiellement en Russie, en Asie… Nous avons ouvert un show-room en septembre dernier à Pékin. On prévoit des ouvertures à Shanghai et Chengdu. Notre esprit éclectique, le mélange des genres qui nous caractérise ont permis de créer des ponts entre les différentes cultures. On ne peut pas imposer notre culture, il faut trouver la clé d’entrée via l’art, les émotions, les finitions. Nos chinoiseries dans l’esprit du XVIIIème français en sont l’exemple.
Nous marchons aussi très bien en Allemagne et en Angleterre. Nous allons ouvrir une boutique à Londres. Pour l’instant, nous ne sommes pas très présents aux Etats-Unis, mais nous avons entamé une collaboration avec un architecte américain à Los Angeles.
Le sur-mesure représente une grande partie de votre activité. Quelles sont les demandes les plus folles auxquelles vous avez répondu ?
Oui, nous faisons 50% de sur-mesure et ça prend de plus en plus de place. On ne dit pas non chez Moissonnier. On répond à la demande en apportant notre expertise. Naturellement, les projets nous amènent à nous inspirer des cultures et des codes des différentes régions du monde. C’est ce qui fait notre différence.
Parfois on revoit certaines proportions. On a réalisé une table de 4 mètres sur 1,60 mètre avec des têtes d’éléphants et des pieds dorés à la feuille pour le chalet-Hôtel Marco Polo à Val-d’Isère, un meuble spécial pour insérer les gravures d’un client, une commode pour une salle de bain avec un dessus en marbre, une niche pour un chien avec des dorures dans un esprit Louis XVI pour un client chinois…
Comment parvenez-vous à être créatif ?
Nos collaborations avec des éditeurs de tissus par exemple nous permettent d’insuffler une énergie créative dans l’ébénisterie. Nous sommes dans le mobilier, mais très proche de la haute couture. Nous voulons rapprocher ces deux mondes. Les Moissonnier à l’origine étaient des artistes et nous nous inscrivons dans cette voie. On utilise les tissus Rubelli, Dedar, Designer’s Guild, Sahco…en fonction de nos clients. On ne se censure pas.
Quel est votre best-seller ?
La commode Louis XV et le lit Bonaparte. On a des pièces très statutaires et de petites pièces bijoux. C’est une alchimie entre le féminin des tissus et des finitions et le masculin du travail d’ébénisterie.
Vous vous présentez comme une marque de luxe, quelle est votre définition du luxe ?
Le luxe, c’est l’émotion, c’est l’intelligence de la main, c’est le beau, c’est la passion. Le luxe n’est pas dissociable de l’âme qu’on met derrière l’objet.
Moissonnier chez Fenêtre sur cour