Pour Chef Rachid Souid, la cuisine est d’abord une affaire sérieuse. Membre des disciples d’Escoffier, de l’Académie Culinaire de France, d’Euro-Toques France, il connaît par cœur ses gammes et souhaite diffuser cette culture de l’exigence au Maroc. Mais en bon Gadiri, il l’assaisonne d’une belle dose de générosité. Le luxe, c’est aussi un art de (bien) vivre et recevoir.
Chef, c’est une vocation?
C’est d’abord une passion qui a pris naissance dans la cuisine de mère. Durant les 20 premières années de ma vie, j’ai eu le temps d’apprécier les saveurs de la cuisine marocaine, cette cuisine généreuse, très variée et riche en épices que ma mère, divine cuisinière, additionnait d’une touche de culture berbère. Certes, j’ai passé deux ans à l’Université des Sciences Juridiques et Economiques d’Agadir pour rassurer mes parents mais j’étais déterminé à devenir chef. Je suis donc parti en France pour m’inscrire au lycée hôtelier du Touquet. C’est là que je me suis littéralement entiché de la Haute Gastronomie française que j’ai pratiqué au Grand Hôtel de Cabourg et à l’Intercontinental à Paris, notamment.
Quelle est votre définition de la gastronomie?
Je compare souvent la gastronomie à de la grande musique. Elle est, pour moi, le résultat d’un juste dosage entre la technique et l’inspiration.
Parlons justement d’inspiration… qu’est-ce qui vous inspire?
Dans les bistrots parisiens, notamment le Millau, la Girondine ou au Volnay, où j’ai passé de formidables moments, je suis devenu un grand fan de la cuisine bourgeoise française avec ses plats en sauce, ses gibiers, ses goûts très prononcés et affirmés… J’ai été surpris par la diversité de la gastronomie française qui est si différente de la cuisine marocaine. Elles ont cependant plusieurs points communs : réputées mondialement, elles sont toutes deux identitaires et porteuses d’une histoire longue de plusieurs siècles. Elles m’inspirent des recettes dans lesquelles le terroir français est twistée avec la cuisine de ma mère et de mon pays natal comme par exemple mon chou farci au foie gras, ris de veau, pied de veau, coriandre et épices. La cuisine est un art mais qui nécessite aussi une créativité permanente, comme en musique!
Vous opérez désormais au restaurant Chez Monsieur à Paris mais vous avez aussi des projets pour le Maroc…
Depuis mon entrée à l’Académie Culinaire de France en 2015, je rêve de créer une antenne au Maroc, une première en Afrique et au Moyen-Orient. C’est devenu une véritable obsession, portée par la volonté de mettre en avant les chefs marocains et de les aider à instaurer une dynamique de transmission des savoir-faire et d’échanges constructifs entre chefs de France et du Maroc. Je suis très heureux de pouvoir annoncer que la naissance de cette antenne deviendra une réalité, lors d’une cérémonie qui se déroulera à l’ouverture des Rencontres gastronomiques d’Agadir du 26 au 29 mars 2020. Une dizaine de grands chefs marocains seront intronisés à la prestigieuse Académie Culinaire de France et recevront l’insigne et le diplôme de l’appartenance à l’ACF. Plusieurs personnalités de la gastronomique mondiale seront présents comme le Président-Directeur Général du Marché de Rungis, Stéphane Layani, le Président de la Société des Meilleurs Ouvriers de France, Jean-François Girardin ainsi que le Président de l’Académie Culinaire, Fabrice Prochasson, qui sera bien sûr à mes côtés, sans oublier Jean Colin, le père fondateur des Rencontres Gastronomiques d’Agadir. Une belle reconnaissance pour la gastronomie marocaine.
Quelle est votre définition du luxe?
Pour moi, il y a deux formes de luxe. Il y a celui que l’on peut acheter : une belle tenue, un lieu somptueux, tout le raffinement lié au grand art de la table… quelque chose de rare, hors de prix et, parfois, superflu. Et puis, il y a le luxe lié à un moment précieux que l’on partage en famille ou entre amis, ces instants où le temps s’arrête et où rien d’autre ne compte, à l’instar de celui que nous nous apprêtons à vivre à Agadir. C’est cela, pour moi, le luxe le plus précieux.