Les architectes d’intérieur Alex et Rachid ont fait de leur maison de Dar Bouaza un véritable laboratoire d’idées où le décor change au gré de leurs envies en jouant la carte de la récupération et de l’éclectisme avec humour et créativité. Une décoration qui donne au quotidien un supplément de poésie, un air bohème.
Stylisme Deborah BENZAQUEN
Texte Valérie TAZI
Photos M. ROMLI
Ils ont emménagé dans la maison, au milieu des champs, il y a tout juste un an. C’est Rachid qui a fait les plans. C’est une maison de plain-pied aux lignes épurées et à taille humaine divisée en deux espaces, l’espace jour et l’espace nuit. «Nous voulions une maison dans l’esprit des ateliers parisiens» explique Alex. Résultat, un beau volume, de grandes fenêtres avec des huisseries en métal qui laissent entrer la lumière, un sol en ciment teinté et des murs ficelle clair. Des tons neutres qui mettent en valeur les créations d’Alex. Cette maison est ainsi un véritable laboratoire d’idées, l’endroit où elle laisse s’exprimer une créativité débridée, un vrai sens de la fantaisie, où elle raconte des histoires en laissant libre cours à son imagination. «Je travaille dans l’impatience» dit-elle. Quand elle a une idée, il faut qu’elle la mette en pratique sur le champ. C’est ainsi qu’avant notre arrivée, elle a créé un tableau à partir d’une photo en noir et blanc offerte par une amie et intégrée à une toile peinte en blanc. «J’en ai marre de consommer, lance Alex, du coup on a fait de la récup, on a repeint, on a changé les tissus». En réaction à la société de consommation, Alex aime composer avec ce qui existe déjà. C’est une chineuse infatigable, toujours à la recherche d’objets à retaper ou à détourner qu’elle déniche à Korea, Hay Hassany ou chez les petits antiquaires.
Dans l’entrée, les valises posées les unes sur les autres viennent justement d’Hay Hassani. Le meuble à tiroirs a été réalisé par le décorateur Frédéric Butz. Le piano était à l’origine en bois laqué noir. Il a été décapé, ce qui lui donne un style «roots». La bibliothèque en bois wengé a subi le même traitement puis a été peinte en jaune, l’intérieur a été tapissé avec un tissu à fleurs de chez Rodesma. Au mur, une carcasse de chaise flotte au milieu de lettres en bois géantes. Mais ne cherchez pas de message, il n’y en a pas.
La salle de bains invités nous entraîne à mille lieux du Maroc. Sur une console en bois brut réalisée par Rachid est posée une vasque en pierre de lave de chez Alchimie Lointaine. En face, au-dessus d’un petit canapé recouvert de tissu africain, une robe Ouzbeck aux teintes vives a été accrochée.
Le salon est divisé en trois parties. Le canapé a été retapissé à l’aide d’un tissu gris uni. Les tissus des coussins se mélangent sur un tempo folk : broderies ouzbeks découpées et cousues, cotonnade chinoise, rayures Missoni de chez Interior’s. On trouve ici des prototypes réalisés pour des clients comme cette table en bois avec un plateau fait de plusieurs décimètres de couturière. Le canapé est entouré de fauteuils : l’un est tapissé d’un tissu soyeux dans les tons de vert et rose, l’autre est en toile de jute et pompons multicolores en laine bouillie. Une lampe de bloc opératoire sur roulettes chinée à Hay Hassani sert de lampadaire.
La console en bois de chez Alchimie Lointaine qui se trouve derrière le canapé est en fait un ancien rail de train. Le lustre est à base de formes à chaussures en bois, de boules en céramique Akkal et en laine bouillie.
Le coin feu a un style très british avec son mur recouvert d’un papier peint trompe l’œil imprimé puis peint à la main à l’aquarelle et ramené de Londres. Sur le mur, un vieux tableau chiné dans un vide grenier d’Aix en Provence représente deux sœurs qui ont presque l’air de faire partie de la famille. Un bed a été recouvert d’un patchwork de différents tissus dont un velours Lelièvre et un tissu Kenzo de chez Interior’s. Le lustre en métal découpé au laser a été agrémenté des décorations de Noël de l’année dernière et de lettres en bois.
Donnant sur le salon et le coin feu, une terrasse ouvre sur le jardin qui se prolonge par un potager. Un salon de jardin en osier recouvert de tissus ethniques invite à la paresse. Sur la pelouse, une cabane en bois à été construite pour les filles, Ito et Iza.
Le coin salle à manger avec sa grande table rectangulaire invite à la convivialité ou à des dînettes qui nous replongent dans l’enfance. Le lustre est fait d’une liane de teck de chez Alchimie Lointaine agrémentée de grosses ampoules reliées par des câbles apparents et de poissons en papier de chez Petit Pan, une marque française poétique et colorée issue de l’imagination d’une artiste belge et d’un fabricant de cerf-volant chinois. Des chaises de bal ont été peintes dans différentes couleurs et tapissées de divers tissus : foulards berbères, tissus à pois de chez Pelle Import, broderies suzanis d’Ouzbékistan, tissu Kenzo, Au-dessus d’un meuble à multiples tiroirs trône un dessin encadré d’Ito.
La cuisine est ouverte sur l’extérieur et sur la salle à manger. Elle est composée d’un îlot central et de meubles en bois peints en noir. Elle est inondée de lumière.
Dans le grand couloir qui mène aux chambres cohabite un long tapis graphique de chez Design Carpet, avec des tableaux et deux gros lustres boules en maillechort achetés à Marrakech. Au fond du couloir un sapin fait de branchages n’attend plus que les offrandes du Père Noël.
Les chambres des filles inspirées par l’Asie sont un festival de motifs et de tons acidulés.
On y retrouve les grandes ouvertures du salon. Dans celle d’Ito, les murs sont égayés par une frise de papier peint imprimé de lanternes chinoises de chez Rodesma. Le lit a été installé à l’envers et la tête de lit recouverte d’un tissu Petit Pan que l’on retrouve dans le patchwork du dessus-de-lit. La housse de couette de chez Carré Blanc est constellée de poupées japonaises. Le lustre en métal rouillé est couvert de petites boules en papier, barrettes et autres babioles de filles.
La salle de bain est commune aux deux fillettes et sépare leurs chambres. Dans une harmonie de vert, de bleu et de crème, les carreaux de ciment achetés à Marrakech composent une mosaïque ludique. Sur les murs, du zellige tilleul en parfaite harmonie avec le sol et une accumulation de miroirs de différentes tailles et de différents styles. Deux vasques ont été posées sur une table en bois. De petites boîtes vintage en métal de chez Zara Home ont un petit air de nostalgie. Des dessins des filles recouvrent les murs. De l’autre côté, une baignoire fait face à une banquette style Empire, capitonnée de velours rouge et surmontée d’un miroir de famille.
Dans la chambre d’Iza, un papier peint de chez Rodesma a été posé en frise. Au sol un tapis rayé de chez Design Carpet est assorti aux coussins Designers Guild de chez Rodesma, en velours Liberty et en velours turquoise Missoni de chez Interior’s. Le cadre de lit en bois a été fait par Rachid. La housse de couette est signée Zara Home. Un vieux bureau à tiroirs est surmonté d’un miroir en bois travaillé, fabriqué par Rachid. Le lustre est agrémenté de nacres, de plumes et de petits baigneurs.
Les merveilles chinées, récupérées ou détournées rendent cette maison unique. Ici, le cadre de vie n’est ni parfait, ni lisse et la personnalité des propriétaires apparaît à travers chaque objet, chaque meuble, chaque étoffe. Grâce à Alex et Rachid, des objets ont retrouvé une seconde vie. Et ils nous prouvent de façon magistrale, si c’était nécessaire, que la récupération peut être à la fois chic et élégante.