Directrice artistique de Manuel Canovas et Larsen, deux éditeurs de tissus d’ameublement aux univers complètement différents, appartenant au groupe anglais Colefax, Ariane Dalle jongle avec talent depuis 2009 avec la fantaisie ultra colorée de l’un et la sobriété élégante de l’autre. Elle nous dit tout sur son parcours, l’ADN des deux marques, ses sources d’inspiration et nous confie en avant-première les secrets de sa prochaine collection.
Quel est votre parcours ?
Je suis née dans le Sud de la France dans un joli mas provençal du XVIIIe entre champs de lavandes bleutées, oliviers vert-de-gris, grande allée de platanes et galets du Rhône. J’ai eu la chance d’étudier deux ans l’histoire en Avignon et puis de prolonger mes études à Paris en section textile des Arts Appliqués, et de faire enfin une équivalence d’étude au Philadelphia College of Textile. Mais j’ai aussi des racines dans le Nord puisque je suis la petite fille d’un ancien tisseur de lin dont l’usine était située à la frontière belge. C’est pour cela que le lin est le fil conducteur de toutes mes collections. J’aime sa matière, son touché, son odeur, et surtout sa fleur bleue éphémère dont la durée de vie si fragile est seulement de quelques heures.
Collection Manuel Canovas 2016
Vous avez travaillé aux côtés du créateur textile Jack Lenor Larsen à New York. Qu’est ce que cette expérience vous a apporté ?
Oui, ce magicien du textile m’a embauchée en 1996 à la sortie de mes études à New York. Ce fut une rencontre inoubliable entre une jeune étudiante française et un grand maître du tissu! Auprès de lui j’ai pu apprendre toutes les subtilités du tissage, l’architecture d’un tissu, la beauté des fabrications artisanales, des innovations industrielles… J’ai découvert son univers créatif unique avec des tissus modernes, contemporains caractérisés par des fils naturels, des techniques innovantes…J’ai suivi son fil avec admiration.
Comment définissez-vous l’ADN de Larsen ?
C’est l’«Architecture Textile» basée sur un équilibre subtil entre une modernité graphique, une sophistication élégante, et des tissages uniques aux matières naturelles et novatrices.
Et celui de Manuel Canovas ?
Manuel Canovas, c’est avant tout la Couleur, c’est ce lien créatif entre un monde classique de traditions et un monde moderne d’innovations. C’est une maison qui puise son élégance et son raffinement dans cet art de vivre à la française et le choix très étendu de nos dessins vit parfaitement dans des univers très éclectiques.
Collection Manuel Canovas 2016
En quoi Manuel Canovas représente l’art de vivre à la Fran- çaise ?
Parce que notre maison est l’élégance du luxe français. Nous réinventons en permanence des documents anciens français du XVII, XVIIIes siècles… puisés dans nos archives, nous nous inspirons de dessins de tradition française. Nous sommes ainsi la première marque à avoir revisité la fameuse Toile de Jouy dans des colorations plus fraîches, plus modernes, très Canovas de rose et orange par exemple.
Comment vous partagez-vous entre les deux marques, les deux styles ?
C’est un peu en fonction des urgences de chaque marque. J’ai la capacité intellectuelle et créative de m’adapter aux mondes différents visuellement, mais extrêmement complémentaires de ces deux maisons.
Collection Manuel Canovas 2016
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Une échappée belle, un voyage lointain ou proche sont indispensables pour se ressourcer et dénicher des merveilles. L’œil part en vadrouille pour alimenter notre imagination. A partir d’une esquisse, d’un document, d’une idée, on est toujours très surpris du pouvoir de notre imagination, car une idée engendre une autre idée et parfois le résultat final est loin du départ créatif initial. Les inspirations sont riches et multiples dans une collection d’ameublements, les histoires se juxtaposent dans le respect de notre ADN. Canovas et Larsen vivent ensemble pour offrir une grande palette de produits et répondre à la diversité culturelle de nos clients dans le monde entier. Tout est source d’inspiration, mais au-delà des nombreuses photos, papiers et documents collectés, croquis rapportés de nos voyages, documents anciens collectés, l’œil est le meilleur photographe pour la mémoire visuelle. C’est très important de prendre le temps de voir, de regarder, la curiosité doit rester en permanence en éveil avec une soif toujours inassouvie. Et puis la mémoire du touché, comprendre dans une perception tactile les matières, la douceur, le caractère d’un tissu. Le tissu est langage pour exprimer des émotions et à chaque nouvelle création j’espère toucher la sensibilité esthétique des autres. C’est un partage dans la couleur, la matière et l’humain.
Toile de Jouy Manuel Canovas
Quel est justement votre rapport à la couleur, si importante pour Manuel Canovas ?
La couleur, c’est la vie et l’expression de notre ressenti. C’est un moment fort au studio lorsque je dois composer comme une partition les colorations de chaque tissu. Les harmonies sont très importantes pour l’équilibre d’un tissu, il faut faire très attention. Le rose Canovas est notre identité et c’est un coloris très moderne que j’utilise souvent. Sonia Delaunay, Matisse en mettaient dans leurs créations. Chaque couleur peut être moderne et classique à la fois : un gris ardoise profond vit tout aussi bien sur le mur d’un château du XVIIIème siècle que dans un loft industriel new-yorkais.
Collection Larsen 2016
Manuel Canovas est aussi très connu pour ses imprimés. Puisez-vous dans les archives de la maison pour créer vos collections ?
Nous puisons dans nos archives, mais nous avons aussi beaucoup de tissus à thèmes dessinés à la main au studio. En effet la recette de nos imprimés c’est de se réapproprier un document dans une stylisation qui respecte notre identité de marque. Prendre l’essence d’un dessin, l’épurer ou l’enrichir et en retirer surtout l’essentiel.
On part souvent d’un coup de cœur, puis on tricote du lien avec l’élément visuel, on l’apprivoise en conjuguant motifs, moderniser, il faut vraiment aller à la «substantifique moelle» et soudain l’évidence d’une création apparaît.
Collection Larsen 2016
Vous travaillez dans un atelier-loft de la rue Saint-Honoré, la déco y est plutôt Manuel Canovas ou plutôt Larsen ou faites- vous cohabiter les deux ?
L’atelier est résolument moderne inspiré d’un loft new-yorkais calme et serein conçu dans une vraie neutralité pour ne pas concurrencer les tissus en devenir.
Collection Larsen 2016
Quels sont les best of de la collection 2016 ?
Difficile de répondre… pour construire une collection, je tricote du lien entre les grands dessins, les unis, les faux unis, les coordonnés, les rayures pour pouvoir décorer un décor dans son ensemble. Donc tout est pensé de façon cohérente, il y a beaucoup de BEST dans une même histoire.
Ambiance Emanuel Ungaro
Pouvez-vous nous donner quelques insights sur la collection que vous présenterez en janvier à Paris Déco Off ?
La nouvelle collection Manuel Canovas 2017 est amarrée au coeur de la Méditerranée avec des escales insulaires grecques au bord de l’eau pour une collection outdoor, des promenades dans les jardins d’Orient pour retrouver la beauté du monde végétal magnifié dans des tissus imprimés ou brodés, des visites de palais aux motifs ornementaux pour des broderies ou tissages résolument géométriques, une échappée vers Istanbul sur la route de la soie pour une collection élégante, précieuse et raffinée de rayures et taffetas chatoyants, une collection enrichie d’une gamme d’unis et faux unis uniques avec des effets de matière texturés dans une fraîcheur coloristique très Canovas révélant ainsi tous nos grands dessins. Quant à la nouvelle collection Larsen 2017, elle nous ouvre les yeux sur le monde végétal et minéral. Chaque tissu semble le résultat d’une observation minutieuse de notre environnement naturel reprenant certains aspects comme les lignes irrégulières des écorces d’arbre, les nervures des feuilles, la brillance de roches magmatiques, l’effet fossilisé des pierres… tous nos tissus présentent de beaux effets de textures, des contrastes de mat brillant, raffinés, tissés, brodés dans une palette de tons doux et lumineux.
Manuel Canovas et Larsen chez Interior’s
