Diplômée des Beaux-Arts de Paris, Aicha Laraqui Lahrichi est une architecte qui dessine ses plans à la main et milite pour une architecture iconoclaste. Spécialisée dans le résidentiel, elle fait régulièrement des incursions réussies dans le secteur de la restauration. Son credo ? Etre à l’écoute de ses clients pour faire des maisons qui leur ressemblent…
Vous avez fait vos études à l’étranger, qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Je suis architecte DPLG et diplômée des Beaux-Arts de Paris Et pendant mes études en France, je suis allée faire un cycle de quatre mois à la Havane sur l’architecture bioclimatique. J’ai étudié les systèmes de ventilation naturelle par l’architecture et avec des procédés techniques et des matériaux naturels. C’était un régime communiste. L’éco design est très important là bas. C’est un pays où l’art naît de la contrainte. A Paris, c’était différent. On disait qu’on faisait de l’architecture haute couture. J’ai eu des professeurs Prix de Rome, des grandes pointures comme Christian de Portzamparc. J’ai fait des stages chez Zublena (l’architecte du Stade de France) et chez Chemetov. Ce que j’ai retenu de tout cela, c’est qu’il faut faire des maisons qui ressemblent aux gens et non pas des maisons qui se ressemblent. J’ai besoin d’intellectualiser mon travail. L’architecte, c’est un maçon qui parle latin. Il y a la technique, mais aussi le discours qui l’accompagne. J’aime me nourrir de tout ce qui m’entoure : la littérature, le cinéma, l’art. J’aime aussi dessiner mes plans à la main, car on perçoit mieux les espaces.
Qu’avez-vous fait en rentrant au Maroc ?
J’ai travaillé à l’agence urbaine, mais je n’ai pas tenu plus de quatre mois… Ensuite j’ai travaillé au cabinet Lahjouji, spécialisé dans le logement social. Cela a été une bonne école. J’ai travaillé avec des organismes comme la Cosumar, l’ONDA, la Centrale laitière…
En 2000, je me suis mise à mon compte. Très vite, j’ai eu la chance de travailler pour de grandes familles à Marrakech. Ca m’a ouvert les portes de Casablanca. J’ai aussi fait des boutiques (Frères Gourmets, Pinko), des cafés, deux hôtels particuliers à Paris. J’ai travaillé sur beaucoup de projets dans leur globalité.
Vous faites aussi du design de mobilier…
Sur un projet, je peux dessiner la cheminée, les poignées de porte… ce qui m’a amenée à l’architecture d’intérieur. Je travaille souvent avec Karim Alaoui. C’est au gré des rencontres que je me suis mise à travailler dans l’aménagement d’espaces intérieurs et extérieurs.
Comment définissez-vous votre style ?
Éclectique-chic ! C’est un mélange de tout, un style iconoclaste. Je ne suis pas du tout inscrite dans une mouvance ou dans un style particulier. J’aime donner une seconde chance aux objets, je n’aime pas tout jeter. Je ne fais pas du prêt-à-porter. J’aime chiner. Quand je dessine, je pense aux ouvertures, à la lumière et aux orientations. Quand c’est pour une famille, je réfléchis à la façon de réunir les deux passés du couple. On ne peut pas faire fi du passé d’une personne à qui on construit une maison. Je passe du temps avec les gens, je leur pose beaucoup de questions pour faire quelque chose qui leur ressemble.
Qui sont vos maîtres en architecture ?
Alvaro Siza, Oscar Niemeyer, Jean Nouvel. J’aime sa philosophie de l’architecture. Il a une sensibilité particulière par rapport à l’architecture arabe avec l’Institut du Monde Arabe et le musée d’Abu Dhabi.
Quels sont vos projets ?
Je travaille sur des villas, sur le concours d’une clinique, sur un café-restaurant d’inspiration années 50 dans un hôtel particulier.
Si vous n’aviez aucune contrainte, qu’aimeriez-vous construire ?
Si je devais sortir du résidentiel, ce serait pour un musée. Parce que je quand j’en visite un, je regarde davantage le bâtiment que les oeuvres. Le Guggenheim de New York a marqué les esprits. L’architecture est hyper importante. Et puis on manque de musées ici.