Abdelhakim Guilmi est un architecte discret, mais ses réalisations parlent pour lui. Après des études d’architecture à Liège, suivies d’un master en paysage à Grenade (Espagne), Guilmi a imprimé son style à Marrakech où AAAG International s’est définitivement érigé au haut de la liste des cabinets d’architecte qui comptent.
S’installer au Maroc était-ce une évidence ?
Pas tout de suite. En 2003, juste après mes études, j’ai eu envie de « tester » quelques mois un pays que je ne connaissais que durant les vacances. Je me suis naturellement dirigé vers Marrakech où mon père avait construit une maison et j’ai commencé à travailler dans un cabinet d’architectes. J’ai rapidement pris conscience de la qualité de vie qu’offre le Maroc et, un an plus tard, je décidais de continuer l’aventure en y ouvrant mon cabinet. Aujourd’hui le Maroc est ma base. La force de ce pays, et particulièrement de Marrakech, est d’être une « plateforme internationale ». Beaucoup de mes clients, qu’ils soient originaires des pays du Golfe ou de l’Afrique de l’Ouest, apprécient de séjourner ici durant la phase de conception de leur projet. Je suis aussi très heureux d’accompagner des clients belges qui investissent au Maroc, notamment deux promoteurs qui développent des projets hôteliers et résidentiels à Marrakech.
Comment définir votre style et quels sont vos modèles ?
Mon architecture est très simple. Elle allie la fonction et l’esthétisme, tout en prenant en compte le végétal. Durant mes études, j’ai été particulièrement marqué par l’architecture organique de Frank Lloyd Wright et la synthèse entre modernisme et architecture vernaculaire de Luis Barragán. Plus près de nous, je citerais aussi les architectes Rem Koolhaas, Tadao Ando ou encore les suisses Herzog et De Meuron. Tous ont montré qu’avec très peu, on peut faire énormément !
En venant travailler à Marrakech, j’ai découvert puis mis en pratique les codes de l’architecture traditionnelle marocaine tels que l’usage des matériaux et motifs traditionnels, l’intégration des patios pour la gestion de la circulation… mais en restant dans le fonctionnel. J’ajouterais que l’architecture berbère est très moderne, très cubique. Les influences arabes ne sont pas antinomiques avec la modernité, à condition de rester dans le respect des proportions et de leurs codes.
La réflexion sur la réduction de l’empreinte environnementale fait-elle partie de vos préoccupations ?
C’est important, surtout à Marrakech, où des paramètres tels que l’orientation de la maison ont un impact fort sur le confort intérieur. Aujourd’hui, des logiciels nous permettent de déterminer la meilleure implantation par rapport au soleil, tellement nécessaire pour éclairer et réchauffer l’intérieur en hiver, mais aussi tellement chaud lorsqu’il est au maximum de sa puissance. Nous avons aussi la chance, au Maroc, de bénéficier de matériaux millénaires, comme le pisé et les briques de terre comprimée, ou plus modernes, comme le béton cellulaire, qui réduisent l’empreinte environnementale. Cependant, je suis contre l’utilisation de matériaux et de technologiques disproportionnées par rapport au retour sur investissement. Tout est dans l’équilibre et la raison.
De quel projet êtes-vous le plus fier ?
Il est difficile, pour un architecte, de répondre à cette question, c’est un métier où l’on espère progresser à chaque nouveau projet. Cependant, deux réalisations
me tiennent particulièrement à cœur de par leur fonction. Le premier est le Centre Régional de Formation aux Métiers de l’Artisanat à Marrakech, un projet de la Fondation Mohammed VI qui offre à des jeunes en décrochage l’opportunité d’apprendre un métier et en même temps de s’inscrire dans la chaîne de transmission de ces savoir-faire millénaires. Le second est un internat à Taznakhte, le village d’origine de mes parents. Il permet à 160 enfants de poursuivre leurs études au lycée et au collège qui, sans ce bâtiment, auraient été inaccessibles.
Quel est le projet que vous rêvez de réaliser ?
J’ai eu l’opportunité de travailler sur de très beaux projets résidentiels et hôteliers. J’espère en avoir beaucoup d’autres mais j’aimerais aussi diversifier les programmes en travaillant sur un projet industriel et sur un immeuble de grande hauteur. Plusieurs IGH ont vu le jour au Maroc ou sont en cours de réalisations mais souvent leur conception est confiée à des cabinets internationaux. Or il y a suffisamment de talents au Maroc pour proposer des réflexions différentes.
Quel est, pour vous, le summum du luxe ?
Pour moi, le luxe ultime est d’être dans un espace où l’on se sent serein ; un espace parfaitement pensé et dimensionné par rapport à celui ou celle qui vit dans cet espace. Le luxe n’est pas matériel. Il est fonctionnel et qualitatif. Il est aussi spatial, mais jamais ostentatoire ou monumental. Je pense à un espace taillé sur mesure, comme un costume. Un espace conçu en fonction de son rituel de réveil, de ses habitudes de vie… D’où l’importance, pour un architecte d’écouter son client, de lui poser les bonnes questions. Une maison, c’est un projet de vie. C’est pourquoi, après coup, soit votre client vous déteste, soit il n’arrête pas de vous remercier. La plus belle récompense pour un architecte, c’est quand on rentre dans la base de données d’amis de son client !
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