De nationalité belge, designer, décorateur, artiste, Lionel Jadot est le symbole d’une époque en pleine mutation écologique dont il maîtrise intuitivement les codes. Son prix lui sera remis lors de la prochaine édition de Maison&Objet, du 5 au 9 septembre 2024.
D’où vient votre obsession de la récupération ?
La chaiserie de mes parents était un terrain de jeu où j’étais autorisé à récupérer tout ce qui tombait des tables de travail. Ces rebuts étaient comme une malle aux trésors, les pièces d’un Kapla extraordinaire pour fabriquer des châteaux. J’ai fabriqué mon premier tabouret à six ans.
Comment êtes-vous devenu designer ?
J’ai effectué un cycle secondaire à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Puis j’ai appris aux côté des artisans et de grands architectes internationaux qui collaboraient avec l’atelier de mes parents. Lorsque ma mère a disparu, j’ai pris la direction de l’entreprise familiale à 19 ans. J’ai dû gérer les commandes, les plannings, la création, les livraisons, les relations client. Durant cette période de dix ans, j’ai acquis tout ce qui me sert dans la vie. Dans mon premier appartement, j’ai créé un lambris avec une collection de portes début de siècle disposées sur le mur comme un puzzle. En 2000, j’ai fini par monter mon propre studio, qui intégrait le principe de récupération des matériaux. Le succès est venu très vite.
Puis vous avez monté les Ateliers Zaventem…
’ Je cherchais un nouvel atelier quand je suis tombé sur cette ancienne papèterie, mesurant 6000 mètres carrés. J’ai tout de suite eu la vision d’y réunir une communauté de créateurs-producteurs. Nous avons sélectionné des profils assez radicaux. Il fallait que les candidats aient le feu sacré, la volonté de changer les choses. Les savoir-faire sont très variés : l’une travaille le sel, l’autre tanne la peau d’aubergine. Chacun est indépendant, avec sa propre clientèle. »
Quelle est votre philosophie ?
«Je ne crois pas en un seul mode de pensée. Quand nous travaillons sur un projet avec mes collaborateurs, au bout d’un moment, le fil que nous tirons devient trop évident et ennuyeux. Alors je casse le fil et nous repartons de zéro. Je déteste les catalogues, je préfère le chaos et les accidents.»
Vous venez d’achever le Mix Bruxelles, quelle est votre conception de l’hospitalité ?
Au départ il y avait ce bâtiment construit en 1969, pour abriter la compagnie d’assurances, à transformer en partie en hôtel de 180 chambres quatre étoiles, avec un food court de 2500 mètres carrés et une salle de sport de 3000 mètres carrés. J’ai amené cinquante-deux designers à travailler sur le projet. Le style est brutaliste, comme le bâtiment original, mais avec un confort et des finitions très soignés. Il y a de la vie partout et l’on s’y sent bien. Au final, les propriétaires sont à la tête d’une collection de collectible design numérotée et signée. Tout a été fabriqué à moins de 50 kilomètres. Quand je suis dans un hôtel, j’aime être projeté dans un ailleurs qui me surprend. Aujourd’hui, le client est prêt à accepter des lignes de mobilier différentes, uniques, plutôt que des produits qui viennent du bout du monde.»
Je vais créer un pavillon central qui sera l’illustration de ma philosophie de l’hospitalité, mais de façon plus radicale et expérimentale. Toute une série d’artistes vont intervenir, chacun avec des techniques différentes de traitement de la matière recyclée. L’idée n’est pas d’apprécier seulement le design, mais la façon dont il a été produit.